Nomadland est tout ce que The Rider (2018) n’était pas et parvenait à ne pas être. Car là où la précarité frappait le jeune Brady de manière progressive, d’abord en rendant son environnement asphyxiant et monotone, puis en déplaçant la lutte extérieure vers l’intérieur, au sein même de son corps, pour une déploration mélancolique d’un âge d’or à jamais révolu, elle tend ici à suinter de chaque image comme s’il fallait à tout prix assommer le spectateur sous un déluge de misère.
La caméra de Chloé Zhao ne recouvre pas la spontanéité qu’elle revêtait dans son précédent long métrage, son geste artistique perd en simplicité pour devenir opportuniste et filmer en gros plans des visages et des histoires larmoyants dont la seule utilité est d’enrichir une énumération des malheurs vécus par des marginaux contraints de vivre à l’écart. Il y avait pourtant une belle idée, celle d’un lieu de solidarité vagabond, en constant mouvement, qui inscrit les amitiés dans un temps long voire absolu comme l’homme projette sur les étoiles sa soif d’infini et d’espérance. L’ensemble demeure trop théorique et conventionnel pour convaincre, les séquences courtes se suivent tels les colis Amazon sur les tapis automatiques.
Il manque à Nomadland l’essentiel, à savoir la recherche de l’impromptu et du hasard. Tout semble guidé par une fatalité représentée avec complaisance, à l’origine d’un manichéisme stérile qui élude les questionnements véritables.