Encore un Refn pas facile d'accès. Le réalisateur retrouve ici tous ses tics habituels : un rythme très lent ponctué d'explosion de violence pouvant sombrer dans le gore, des plans prolongés sur des acteurs immobiles et intériorisés (ou apathiques, selon l'appréciation), une mise en scène chiadée avec une photographie splendide (les jeux d'ombre et de lumière sont très poussées et nécessitent de voir le film dans de bonnes conditions de projection), des séquences d'action efficaces, un côté poseur qui sonne parfois un peu creux, d'autant que le scénario est assez maigre, se reposant sur ses errances intellectuello-mystiques (même défaut que pour Valhalla Rising).


C'est ce dernier point qui enferme le film dans une niche cinématographique pour public très ciblé, car faut accepter de rien piper à ce qu'il se passe pendant une bonne partie de l'histoire (Refn n'hésite pas à embrouiller le spectateur en mélangeant des séquences réelles et imaginaires, jusqu'à faire douter de l'existence de certains personnages). On peut finir par s'en sortir si l'on est sensible à la thématique œdipienne et à la culpabilité névrotique qui permettent de mettre un peu de sens sur le comportement des divers protagonistes :


On a donc Ryan Gosling (même jeu d'acteur que dans Drive) en fils impuissant castré par sa mère œdipienne et qui souffre de la culpabilité d'avoir tué son père avec ses poings (d'où ses fantasmes récurrents et irréalisables de masturbation féminine, couplées à son désir de se faire trancher les bras). Une mère (Kristin Scott Thomas qui assure bien le rôle, surtout quand elle compare les tailles de bite de ses mômes) qui semble avoir également fracassé la construction psychique de son autre fiston mais qui n'aime pas pour autant qu'on vienne lu voler ses objets filiaux. Et au milieu de ce drame familial se promène le héros supra-masculin typiquement refnien (Vithaya Pansringarm, impeccable en miroir de l'intériorisation goslingienne) qui déboite dans le sang tout le casting sans qu'aucun flic n'en prenne ombrage, personnage tellement indestructible qu'on ne peut imaginer qu'il soit autre chose qu'une allégorie de la justice divine (et un chanteur hors-pair).


Mieux vaut donc savoir un peu à quoi s'attendre avant de se lancer dans Only God Forgives. Oui, le film est très très beau, les acteurs sont bien dans le ton, la scène de boxe thai entre Gosling et Pansringarm fait bien mal, y'a toujours de bonnes idées (les prostituées qui ferment les yeux lors de la séquence de torture), Rhatha Phongam est ma foi fort jolie, l'ambiance thaïlandaise est exotique, mais ça serait bien que Refn finisse par embaucher un scénariste afin d'éviter de sombrer dans le piège de sa carrière, à savoir se contenter de se regarder réaliser.


Mais comment souvent avec les derniers Refn, c'est le second visionnage qui me permet de totalement entrer dans le film, une fois débarrassé de la perception initiale de ses défauts, et d'en conclure au chef d’œuvre.

Créée

le 3 mars 2019

Critique lue 72 fois

Critique lue 72 fois

D'autres avis sur Only God Forgives

Only God Forgives
real_folk_blues
8

Thaî, glande, et Ryan erre.

Only God Forgives n’est pas un bon film. N’allez pas croire que vous verrez Drive, pauvres naïfs. N’allez pas espérer que Fight Club se soit payé un lifting, pauvres consommateurs. Ne supputez point...

le 3 juin 2013

149 j'aime

32

Only God Forgives
Anyo
8

Le langage du silence

Le cinéma est un art Visuel et Auditif. Notre cher réalisateur Danois acquiesce et nous livre une oeuvre à la facture audio-visuelle irréprochable. "Only God Forgives" rejoint "Samsara" et "The...

Par

le 24 mai 2013

140 j'aime

11

Only God Forgives
Gand-Alf
6

... Et l'enfer le suivait.

Pour avoir une idée de mon expression dépitée à la sortie de ma séance de "Only god forgives", je vous invite à vous poster devant un miroir et de vous observez en train de diviser 1356, 876543 par...

le 24 mai 2013

139 j'aime

13

Du même critique

Miraculous - Le film
Pascoul_Relléguic
4

Critique de Miraculous - Le film par Pascoul Relléguic

Découvert avec ma fille en avant-première, le film s'avère rapidement déroutant avant de virer au décevant pour qui connait un tant soit peu la série originale : Miraculous the movie est en fait plus...

le 14 juin 2023

13 j'aime

The Dead Don't Die
Pascoul_Relléguic
2

Quand l'hommage vire à l'escroquerie

Au début, j'ai trouvé le film gentiment intrigant ; par la suite, j'ai ressenti ça comme sans intérêt ; à la fin, j'ai conclu à une détestable escroquerie. Jarmusch s'est contenté de fragmenter toute...

le 14 mai 2019

11 j'aime

Undone
Pascoul_Relléguic
9

La folie est parfois la meilleure manière de s'adapter à la réalité

Undone ne fait pas les grands titres et c'est bien dommage car voilà une série qui le mérite. Alma est meurtrie par la mort de son père durant son enfance et elle tente de se construire en tant...

le 19 avr. 2020

8 j'aime