Comme souvent avec les films dont l’image est très travaillée, on peut soit accrocher et faire l’éloge de sa force plastique, soit être agacé par la posture d’auteur un peu prétentieuse qu’elle implique.
Pour ma part, je marche : le film est quand même visuellement assez puissant. Ce qui compense l’intrigue ultra classique (rappelons que la vengeance est le sujet le plus traité au cinéma) et les personnages dont l’épaisseur psychologique s’apparente au papier à cigarette.
Largement même : l’usage intensif du rouge et, dans une moindre mesure, du bleu, l’utilisation des couloirs, des parois, renvoie à un univers mental chatoyant, celui de Julian, suggère Nicolas Winding Refn. Le rythme très lent contraste superbement avec les scènes de violence, très crues.
Vithaya Pansringarm est une trouvaille : il incarne à lui seul tout le film. D’un calme absolu, d’une lenteur fascinante, il se change en justicier impitoyable, occasionnant quelques scènes à la limite du supportable (la torture de l’Américain). Quelques plans sur lui sont de toute beauté, sa première apparition par exemple, dans la rue en plongée. La scène du combat avec Julian est également une réussite, bien chorégraphiée, bien filmée.
Ryan Gosling et Kristin Scott Thomas ne déméritent pas. La scène où Julian plonge sa main dans les entrailles de sa mère est assez troublante.
Alors, bien sûr, on pourra trouver cette histoire d’Oedipe mal digéré un peu faiblarde, insuffisamment étayée. Ou que Refn fait preuve d’une complaisance malsaine vis-à-vis de la violence - reproche qu’on adresse fréquemment à un Haneke. Ou encore que les femmes ne sont une fois de plus pas à la fête (putes ou castratrices).
Tout cela est recevable. Mais formellement, ça vous a quand même une certaine tenue. Tout dépend ce qu’on attend du cinéma...