Docteur Varga et Mister Hire
Après des vacances de fin d’année passées à éternuer, se moucher, tousser, se réchauffer, me revoilà pour critiquer PANIQUE de Julien Duvivier.
Je ne le répéterais jamais assez mais j’ai toujours un a priori avec les vieux films. On ne se refait pas. L’image crépitante, le son dégueulasse, le noir et blanc tacheté, à chaque début de film je ne peux m’empêcher d’avoir un geste de recul, la tête légèrement de côté et l’œil droit à moitié fermé en me disant « T’es moche ! Laisse-moi tranquille enfin ».
Comme pour La cité de l’indicible peur, après quelques minutes, je n’y fais plus attention.
Et comme pour La cité de l’indicible peur l’histoire se déroule dans une petite bourgade, à la française, et croyez-moi bien qu’on dialogue à l’ancienne. On parle comme on pense et comme on vit. « Dite patron, v’là une belle paire de godasse », «Ah mince, c’est des godasses avec des pieds d’dans », « Elle est morte d’un coup d’pétard ou d’un coup d’couteau », « Un camion d’la morgue qu’emmène une vieille fille zigouiller la nuit dernière ». Le genre de dialogues que j’affectionne, qui sentent bon l’authenticité, parce que des seconds rôles authentiques, le film n’en manque pas.
Du forain de passage au charcutier patriarche avec la langue bien pendue, du vieux lettré amoureux des beaux mots à la gourgandine aguicheuse, ou encore les jeunes mécaniciens, une fois le boulot terminé qui s’en vont jouer, au bar du coin à la belote, et qu’on retrouve sapés comme du Bogart.
Le seul personnage presque « normal » qui se retrouve isolé, c’est Monsieur Hire, le Docteur Varga et Mister Hire (Michel Simon) amateur de photo, toujours le bon mot, concis, net, vu par les autres comme la brebis galeuse, (le personnage parait beaucoup moins excentrique) celui de qui on se moque (représenté dans le film entre autres par le passage des petites-autos, chez les forains, on tout le monde le per(sé)cute), le père fouettard malgré lui par des « on dit ».
Monsieur Hire c’est aussi le personnage qui détient la clé du film, sur le meurtre « de la vieille fille zigouiller la nuit dernière ». Hire comme quelques autres personnages clés tenteront par des truchements, des rapprochements (notamment avec le personnage d’Alice) et autres doubles jeux de mettre fin à cette grande mascarade, presque infantile, du « c’est toi ! » « Non, c’est toi ! » « Non c’est lui !».
Ce que je retiendrais ce sont avant tout les dialogues, les actions qui s’imbriquent bien les unes aux autres, cohérentes, et une mise en scène fouillée (ça bouge tout le temps) et intelligente.
Un film honnête.
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