Clairement meilleur que le précédent, ce cinquième volet de Pirates des Caraïbes reste pourtant bien en-deçà des premiers films de la saga. En effet, moins la barre est haute, plus il est aisé de faire mieux. Mais de là à faire un bon film, il y a un océan à parcourir.


D'emblée, l'intrigue convenue empeste le réchauffé. Le scénario manque cruellement d'enjeux et se contente de balancer le spectateur dans une quête simplette : mettre la main le fameux trident qui va régler les problèmes de tout le monde et faire advenir la happy end mielleuse volée – à juste titre ! – par le dernier film de la trilogie. Trident surpuissant duquel on n'a jamais entendu parler auparavant, notez bien. On a l'impression dérangeante que le film se plaît à cultiver les incohérences pendant 2h juste pour nous servir un final d'une platitude... La force des dernières images de la trilogie tirait sa source du tragique, de cette séparation douloureuse. C'était poignant, justement parce que la « fin idéale » ne pouvait pas advenir, et le drame de la romance compromise entre Will et Elizabeth suscitait la compassion. Leur relation devenait d'autant plus belle qu'elle était problématique. Décider de les réunir, c'est une erreur scénaristique monumentale.


D'ailleurs, à peine le film a-t-il commencé qu'on en connaît déjà la fin. On sait qui va finir avec qui. Qui va être défait. Qui va triompher. Qui va survivre. Qui va retrouver son honneur. Et ce n'est pas faute de se démener pour provoquer l'émotion. Le film multiplie les gags. L'humour prend environ une fois sur deux. Il joue avec quelques images « gores », globalement maîtrisées. Il parvient même parfois à créer une certaine tension. On a quelques haut-le-cœur pour ce pauvre Jack, tandis que la lame de la guillotine va et vient au-dessus de sa tête. On serre les dents, mais en même temps on rit, parce qu'au fond on sait bien que le héros de l'histoire ne va pas clamser dans les trente premières minutes – ni même après... Le film va jusqu'à frôler le pathos, en sacrifiant un « gentil » une seconde après une courte scène de retrouvailles. C'est là peut-être son coup de théâtre le plus maladroit. Certes, c'est celui qu'on voit le moins venir. Et pour cause, ce sacrifice n'est pas amplement justifié. C'est trop gros. Juste trop gros. Un jeune boulet échappe de justesse à une attaque de requin, on ne sait par quel miracle, et un pirate aguerri n'est pas fichu de calculer son coup pour rattraper une foutue chaîne. De quoi laisser perplexe.


Visuellement, il n'y a à se plaindre. Les effets spéciaux font le gros du travail et les scènes d'action fonctionnent bien. Peut-être trop bien. Au point sans doute que les scénaristes ont cru pouvoir tout miser dessus. Erreur. Je m'interroge également sur l'intérêt réel de la 3D dans le cas de ce film. Le supplément m'a fait mal aux fesses, comme toujours, et au final je n'en ai pas vraiment pris plein les yeux. Dommage, il y aurait eu de quoi faire.


Niveau personnages, on coule progressivement dans un abîme de superficialité. Henry, de plus en plus effacé, failli bien souvent à se montrer utile. Carina, la figure féminine au caractère bien trempé dépeinte comme une scientifique intelligente, n'a finalement ni plus de charisme ni plus d’intérêt que la map de Dora l'exploratrice. Quand elle ne fait pas office de GPS, elle pousse des cris d'un ridicule consternant et casse sa propre image en tombant bêtement dans un piège vieux comme le monde. Le grand retour d'Orlando Bloom, tel qu'a parfois été vendu ce volet, n'en est pas un – tant mieux ? Finalement, Jack Sparrow, le connard au grand cœur auquel on s'attachait autrefois, n'est plus que l'ombre de lui-même. Le film essaye bien de redorer son image en nous vendant un flash-back de sa promotion en capitaine du Black Pearl ; occasion de retrouver pendant un bref instant l'insolent rusé qu'on connaissait dans les premiers Pirates des Caraïbes. Désormais, Jack est un ivrogne débile prêt à troqué son inestimable boussole contre une bouteille de rhum, incapable d’échafauder un plan quelconque pour faire face à son ennemi. Plus creux que jamais, le moineau vole bien bas.


On se réjouit cependant de retrouver le thème musical de la saga, lequel souffle sur le film un doux vent de nostalgie et, il faut le dire, sauve du naufrage une poignée de scènes.


En définitif, si l'ennui n'est pas au rendez-vous, le scénario trop plein de bonne volonté et finalement trop plat manque tant de crédibilité que d'émotion.

Rodreamon
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le 26 mai 2017

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Cliffhunter ➳

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