Je te regarde, tu me regardes, mais un jour, nous ne nous verrons plus.


Par ce film, la réalisatrice Céline Sciamma invite à (ré)apprendre à voir de trois façons.


D’abord, elle nous (ré)apprend à voir une histoire passionnelle partagée entre deux femmes, à travers un regard féminin, le sien. Par ce geste, elle rappelle que nous avons besoin, plus que jamais, de femmes réalisatrices, et met en exergue ce que le cinéma aurait pu être si on avait laissé autant de femmes que d’hommes s’y exprimer.


Cette "vie d’Adèle" peinte par une femme ne montre quasiment pas de sexe à l’écran, contrairement à son pendant masculin. On ne leur a pas donné de Palme d’or à elles, ces femmes qui s’embrasent avec pudeur.


Ensuite, la réalisatrice nous (ré)apprend à conscientiser la difficulté d’être femme, dans un monde dominé par le regard masculin. Dans le film, l’artiste incarnée par Noémie Merlant recherche à peindre l’âme du personnage d’Adèle Haenel, pour mieux la vendre à son futur époux que celle-ci n’a jamais vu. Le mari veut voir celle qu’il épouse, qui elle, n’a pas le choix ni la possibilité d’émettre une opinion. Elle doit être belle, et bien paraître. Vivre sa féminité dans l’ombre.


Enfin, Céline Sciamma nous (ré)apprend à voir l’autre, celui/celle qui nous est proche.


Il fut un temps où l’on savait, lorsqu’on regardait un visage aimé, que c’était la dernière fois qu’on le voyait. Qu’on le voyait vraiment, sans artifices, sans pixels. On savait, lorsqu’on se quittait, même si les corps et les sentiments étaient encore jeunes, que la vie allait nous séparer.


S’y préparait-on mieux, à cette séparation ?


Peignions-nous dans notre âme les traits de ces personnes faisant partie de notre vie et qui, à tout instant, allaient nous échapper, disparaitre une fois pour toute ? Vivions-nous avec plus de passion chaque sentiment, chaque étincelle de désir, chaque regard, le premier comme le dernier, en sachant qu'on ne serait plus jamais regardé.e par celle/celui qui nous plaisait tant ?


Portrait de la jeune fille en feu, ou la triple conscience d’un regard.

Cambroa
10
Écrit par

Créée

le 20 avr. 2020

Critique lue 451 fois

3 j'aime

Cambroa

Écrit par

Critique lue 451 fois

3

D'autres avis sur Portrait de la jeune fille en feu

Portrait de la jeune fille en feu
takeshi29
8

(Se) retourner (ou non) à la page 28

Pourvu que le 18 septembre prochain, quand sortira ce "Portrait de la jeune fille en feu", les critiques professionnels ne le réduisent pas à un manifeste sur la condition féminine, ou pire à une...

le 19 août 2019

81 j'aime

17

Portrait de la jeune fille en feu
Samu-L
5

A feu doux

Alors portrait de la jeune fille en feu ça donne quoi? Le film est esthétiquement réussi et chaque plan fait penser à une peinture. Le film traite justement du regard et du souvenir. Il y a aussi...

le 16 nov. 2019

68 j'aime

24

Du même critique

It's A Sin
Cambroa
8

"It was so much fun", c'est ce que les gens oublient

It's A Sin nous embarque dans l'Angleterre des années 80, ravagées par le sida, l'homophobie et la politique de droite de Thatcher. Des jeunes arrivent à Londres, prêts à profiter des joies de la...

le 20 mars 2021

38 j'aime

1

Hamilton
Cambroa
9

Ce rêve bleu, un nouveau monde en couleurs

C'est une captation vidéo d'un spectacle vivant comme je n'en ai jamais vue. Dès les premières secondes, nous sommes happés par l'énergie insensée des comédiens et le rythme tournoyant d'Hamilton...

le 2 août 2020

19 j'aime

Au pan coupé
Cambroa
9

Pourquoi vivre ?

Et comment vivre ? Jean ne le sait pas. Il aime Jeanne, enfin le pense-t-il, et Jeanne l'aime en retour. Il se pose beaucoup de questions. C'est un jeune, dans les années 60, mais cela pourrait être...

le 31 janv. 2021

8 j'aime