L’héritage



  • Ray, acceptez-vous de mettre Pulp Fiction dans votre top 10, de l’aimer, le chérir par jour de dépression comme d’engouement, dans le bonheur comme dans l’adversité et ce jusqu’à ce que vous mouriez ?


« On en revient toujours à cette même question après un film. A quel point l’ai-je aimé ? Est-ce que je vais le retenir ? Qu’est-ce qui va me marquer durablement ? Quand je le compare aux autres films que j’ai vus, où se situe ce dernier ?
« Tout fini par s’embrouiller, je repense alors à d’autres long-métrages que j’adore, je me rappelle de scènes poignantes, marrantes, touchantes, … Les souvenirs s’emballent, se mélangent se distordent et au final tout se termine au fond d’une cuvette de chiottes recouvertes de pq gluant avant de revenir effacer l’historique des 30 dernières minutes de consultations internet pour passer à autre chose.
« Mais la question revient malgré tout, alors Ray ? Top 10 ? »


Les soirées


En soirée il y a toujours des références qui sont balancées, pas du Tarkovski hein, on reste entre membres de la plèbe. Moi par exemple, j’ai vu 25 films l’an dernier, je ne suis clairement pas cinéphile et je m’en fiche un peu à vrai dire. Mais voilà en soirée il y a des films qu’il faut avoir vu, et les Tarantino sont des immanquables.
Verre de bière à la main, pour socialiser car je déteste ça, je suis sur le canapé en train de déconner avec des potes tranquillement puis tout d’un coup un mec balance une référence à un film. Ça va être lequel ?
« Hey les gars vous avez vu récemment que le gif de Vincent est partout sur internet ? »
Je ne suis pas surpris étant souvent sur le net, mais bon même sans avoir vu le film je connais le personnage et donc j’ai su identifier le film, je suis hors de danger.
« Ah ouais le gif de Pulp Fiction là, on commence à en avoir marre. »
« Même si ça m’énerve maintenant j’avoue que j’adore le film, je l’ai vu je sais pas combien de fois. »
« Pareil, et puis Thurman est tellement bonne avec sa chemise blanche. »
La discussion s’envenime. A ce moment-là mon cerveau ne fait pas des millions de calculs, il me signale juste que je suis dans la merde car je suis sûrement le seul de la salle à ne pas l’avoir vu. Ça continue, ils se repassent les scènes cultes par des gestes, des mots qui sont sûrement hilarants si on comprend. Personne ne veut être le vilain petit canard du groupe alors je souris voire rigole, ça passe dans la masse.
« Et toi Ray qui t’y connais pas mal en film c’est quoi ta scène préférée ? »
Et oui ramener sa grande gueule pour tout a des effets souvent négatifs, ils oublient pas si vite que ça ces cons. Je me redresse tranquillement, sourire en coin pour avoir l’air sûr de ce que je vais dire alors que ma bouche se transforme en trou du cul prêt à sortir de la merde. Je repasse en vitesse tout ce que je pourrais connaître du film et là un souvenir brille plus que les autres.
« Tu sais moi c’est quand ils sont dans la voiture avec le noir à l’arrière et que Travolta le flingue »
« Ah ouais cette scène est hilarante, ils doivent nettoyer après… »
Le reste c’est juste de l’improvisation, du hochement de tête au bon moment et un petit gloussement pour faire semblant qu’on se rappelle. Puis on se dit qu’à un moment il faudrait se voir les Tarantino.


Seul au monde


Lumières éteintes, volets fermés, porte close, collocs partis, fichier .mkv prêt, il est temps de se regarder ça. Je fais rapidement le tour de ma moyenne éclaireur, 25 personnes sur 33 l’ont vu, c’est beaucoup, et en général… Ok je dois être un des derniers à ne pas l’avoir regardé… Je suis prêt mais j’ai faim. Je sens alors poindre un désaccord dans mon esprit, j’ai pas envie de le voir ce soir. Si en fait j’ai envie de le voir ce soir et tu sais quoi ? Je vais le voir ce soir.
Je lance le fichier, met sur pause, allume le feu sur la plaque, réchauffe mes pâtes, ajoute du jambon et du fromage, je reviens, assiette entre les mains et bouteille d’eau à côté. Le film se lance et j’enfourne ma plâtrée en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Putain mon assiette est finie et on est qu’au générique du film… Je mange vraiment aussi vite que ça ? Sérieux c’est pas bon pour mon estomac je devrais y aller moins fort. Je remets sur pause et vais faire ma vaisselle, le fromage fondu ça colle et c’est chiant à gratter après un certain temps.
Je reviens sur mon fauteuil et lance le film tout en pestant contre mon hygiène de vie remarquable. Cette fois-ci c’est le pot de Nutella qui est dans ma main, la cuillère dans l’autre, au moins si j’aime pas j’aurai un certain réconfort. Allez film envoie-moi tout ce que t’as !


Film terminé, j’y penserai sous la douche il est déjà tard, pas le temps de se masturber avant de dire « bonne nuit ».


Réveil


« Bon c’est pas tout mais faut lui mettre une note au film. 9 tiens ça me semble bien, en y repensant j’ai vraiment adoré. Et si j’écrivais une critique pour le dire ? Me sentir important quelques secondes, comme si mon avis allait changer quelque chose ?
Je regarde, lis de tout, lis tout, merde tout a déjà été dit.
La narration et le découpage. Déjà mentionné par Kiwi :



« Non content de fonder le temple de la pop-culture, « Pulp Fiction »
galvanise tous les blocs narratifs qu'il empreinte à l'aide notamment
de placement musicaux salvateurs et magiquement orchestrés allant
jusqu'à disloquer le temps, construisant un opéra amoral. »



Bon je peux peut-être parler des dialogues et l’ambiance en décalage avec les évènements qui se déroulent… Ah non Velvetman en a déjà parlé



« Vecteur de tension dramatique et de situation tragique, Pulp
Fiction, comme le reste de la filmographie de Tarantino, brouille les
pistes de son nihilisme proche du réel en se dévisageant par l’aspect
fictionnel et satirique de la jubilation des dialogues, sa capacité à
créer sa propre gloire (la danse mythique et l’entièreté de sa bande
sonore) et l’amusement aléatoire et gratuit de la violence. »



La musique, un grand coucou à Titouan



« La bande son y est également orgasmique ! On a tous dansé au moins
une fois sur du Chuck Berry pour tenter d’imiter Travolta. Nos
oreilles sont cajolées, ça groove, c’est bon, c’est frais, une autre
tournée patron ! »



Une conclusion, pas la peine Gand-Alf s’en est déjà chargé



« Palme d'or inespérée à une époque où le festival de Cannes avait
encore des couilles, "Pulp Fiction" c'est deux heures et trente
minutes de délire grandiose, de répliques inoubliables, de séquences
cultes, c'est un concentré d'humour noir et décalé, c'est un casting
quatre étoiles ressuscitant Travolta et révélant Samuel. L. Jackson,
c'est une bande originale démente uniquement constituée de vieux
standards sortis d'un grenier, c'est la plus grande réussite d'un
cinéaste qui avait alors tout à prouver et c'est surtout un putain de
bon film. »



Je collecte les bouts de critique sur un coin de mon ordinateur portable, laisse les paragraphes intacts mais prend seulement ceux qui m’intéressent. J’y fais référence, je commence à ressembler à Tarantino, je peux alors le dire : ouais je m’en fous si ça plait pas après tout, moi ça m’amuse et c’est le principal ici non ?
Et puis qu’est-ce que je rajouterai qui n’a pas été dit hein ? Une critique d’un mec qui n’y connait pas grand-chose et n’a rien à dire de nouveau servirait-il à quelque chose ? Non, je peux juste me contenter de raconter une histoire, mon histoire avec ce film, parce que ça m’amuse et parce que je me dis que j’ai le choix et qu’à la fin de la critique, je serai tel L. Jackson : j’aurais fait l’inverse de ce que je pensais au début et cette fois si, c’est pas avec une arme mais avec un crayon que je le fais.


Mariage



  • Ray, acceptez-vous de mettre Pulp Fiction dans votre top 10, de l’aimer, le chérir par jour de dépression comme d’engouement, dans le bonheur comme dans l’adversité et ce jusqu’à ce que vous mouriez ?


« On en revient à cette question encore une fois, il faut bien clôturer tout ceci et justifier cette note qui se trouve en bas de la page, pas vrai ? Alors à ce moment-là t’en penses quoi toi ? Je devrais le mettre dans mon top 10 ou pas ? La réponse n’est pas si évidente. »



  • Je refuse ! Pulp Fiction, je t’ai adoré de bout en bout, je n’ai pas senti le temps passer en ta compagnie. Tu as illuminé ma soirée à travers des éclats de rire. Tes dialogues en marge de tes actions sont d’une ironie hilarante, plus se soucier du sang tâchant une serviette que de la tête explosée d’un mec à l’arrière d’une voiture me fait halluciner mais prend tout son sens dans le monde déluré que tu me décris. Tes musiques bercent déjà mes oreilles et plus d’une sont sûres de finir dans ma playlist. Moi aussi je vais me mettre à gueuler tes répliques aux soirées, à danser au milieu d’un restaurant sans la moindre once de honte juste pour plaire à la nana qui sera avec moi. Voilà Pulp Fiction, tu vas m’accompagner dans mon avenir, qu’il soit personnel ou cinématographique. Mais je ne peux pas te mettre dans mon top 10, ou du moins pas pour l’instant car vois-tu, je suis en train de me revoir des films cultes à la pelle et j’ai pas envie de te faire l’affront de t’ajouter juste pour quelques jours ou semaines, non si tu y rentres tu seras un élément durable. Alors sache-le film, si dans un mois tu es rentré dans ce classement c’est que je te tiens en estime encore plus haute que celle à laquelle je te place aujourd’hui. Je t’aime déjà mais j’ai envie que ce soit durable entre toi et moi alors voilà, je vais te dire « ciao », me masturber et penser à autre chose et si tu reviens hanter mes pensées pendant trop longtemps alors je te dirai « Oui » !

Ray
9
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2016 : l'occasion de rattraper un retard énorme ?

Créée

le 28 janv. 2016

Critique lue 350 fois

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Ray

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8

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