Roma
7.1
Roma

Film de Alfonso Cuarón (2018)

Voir le film

Le nouveau projet audacieux de Alfonso Cuaron. Malheureusement uniquement disponible en France sur la plateforme Netflix, j’eu toutefois la chance de pouvoir visionner ce film en avant-première durant le festival lumière 2018 à Lyon (brouillon écrit à ce moment-là et finalisé bien plus tard…).


Après avoir connu un grand succès sur la scène hollywoodienne (« Harry Potter 3 », « les fils de l’homme », « Gravity »), et avoir démontré un savoir-faire tant en maîtrise technique avec de mémorables plans séquences qu’en récits chargés d’émotions, Alfonso Cuaron a décidé -paraît-il sur une proposition de Thierry Frémeaux, directeur du festival lumière et délégué général du festival de Canne- d’opérer un retour aux sources et de revenir dans son pays d’origine, le Mexique.
Oui car contrairement à ce que le nom semble indiquer, le film ne se déroule pas dans la capitale de l’Italie, mais bien dans celle du Mexique ! Il y a bien une explication plus ou moins officiel, donné par le réalisateur lui-même, mais à dire vrai il semble qu’il en cherche d’autres plus convaincantes… Allez précisons quand même que Roma est un quartier bien connu du Mexico.


« Roma » est la chronique d’une famille. Une grand-mère, une mère qui tente de joindre les deux bouts, des enfants, et une servante.
Deux classes sociales différentes, mais des histoires presque semblables. La propriétaire est délaissée par son mari, tandis que la servante est rejetée par le père de l’enfant à naître. Même si dans des accès de colère la maîtresse de maison s’énerve contre sa servante, les deux femmes s’entraident dans leurs douleurs et leurs peines. Même la grand-mère la soutient comme s’il s’agissait d’une de ses propres filles.


L’insouciance de l’enfance, perdu dans les jeux et l’imaginaire, entre disputes et câlins, l’enfant qu’il faut protéger des dangers et des peines de ce monde, qui sont nombreux. Car même si certaines saletés peuvent partir d’un simple jet d’eau balancé sur le carrelage, d’autres drames peuvent hélas marquer à jamais. Une mère marquée à jamais dans sa chaire et son esprit par un bébé mort-né, partie d’elle-même arrachée à sa chair ; la violence résultante d’une société qui perd ses repères ; une noyade dans la mer à cause d’un seul moment de négligence…
A cet âge d’innocence, les enfants se montrent affectueux envers la servante peu importe les barrières sociales. La famille, cette entité que certains quittent, tandis que d’autres s’y font une place, tandis que le monde gronde autour. Au Mexique, l’insécurité et la violence gangrènent en effet une partie de la jeunesse, et des scènes de meurtres se produisent jusqu’en ville devant des gens apeurés par cette irruption soudaine. Alors que le monde extérieur bouge autour, symbolisé par le décollage d’avions dans le ciel, cette association imparfaite d’individus tente de préserver un cocon de protection, une routine sécuritaire.


On comprend qu’un tel projet, un drame contemplatif en noir et blanc, se déroulant au Mexique, n’ait pas eu les faveurs des sociétés de distribution, et que Alfonso Cuaron ait finalement accepté l’offre de Netflix pour diffuser son film plus largement. Un choix qui a de quoi surprendre, pour un réalisateur de son calibre, même si maintenant de plus en plus de réalisateurs connus cèdent aux sirènes de la célèbre plateforme (les frères Coen tout récemment). Une des premières réactions serait de regretter l’absence de diffusion dans les salles obscures, d’autant que dans le cas d’un film comme « Roma », les splendides plans séquence dont le réalisateur mexicain a le secret ont un rendu maximisé sur grand écran. Et il est vrai qu’il est dommage que les 2 formats n’aient pas été choisis (cela semble être le cas seulement en France toutefois). Certains seraient tenté de lui reprocher d’avoir accepté l’offre de Netflix pour gagner plus d’argent. Pourtant, un tel choix permet une diffusion beaucoup plus grande qu’avec n’importe quelle autre société de distribution, et pour un film du calibre de « Roma », il n’aurait jamais pu toucher autant de monde autrement, ce qui est quand même l’aspiration de tout bon créateur. De quoi peut être redorer la réputation de Netflix en matière de films, qui à quelques exceptions près, ne brille pas beaucoup face aux productions sériephiles. Enfin, si on y réfléchit bien, à long terme les films sont de toute façon d’avantage regardé sur petit écrans, une fois qu’ils ne passent plus au cinéma (or reprogrammations occasionnelles). Le choix de leur diffusion initiale au cinéma ou pas n’a donc qu’une importance finalement toute relative.


Après « Gravity », « Roma » surprend par son changement de ton. Contemplatif et intimiste, il s’agit d’un véritable film d’auteur, qui n’aurait sans doute connu qu’un faible succès sans la renommée du réalisateur et les possibilités de diffusion de Netflix. Marquant et émouvant malgré sa lenteur, le film marquera l’esprit de ceux qui sont sensibles à ce genre d’histoire, mais au risque d’ennuyer les autres.

Enlak
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films de nationalités peu courantes

Créée

le 11 déc. 2018

Critique lue 565 fois

Enlak

Écrit par

Critique lue 565 fois

D'autres avis sur Roma

Roma
mymp
3

Chiantissima!

Maintenant qu’il est devenu une sorte de super-auteur religieusement vénéré (Le prisonnier d’Azkaban, Les fils de l’homme et Gravity sont passés par là), Alfonso Cuarón s’est dit qu’il pouvait se...

Par

le 5 déc. 2018

79 j'aime

9

Roma
Kiwi-
8

Gravité des symboles.

La scène d’introduction annonce d’ores et déjà la couleur : une flaque d’eau ondulant sur le sol, reflétant un avion en partance pour un ailleurs, le tout baignant dans le noir et blanc de Galo...

le 18 nov. 2018

73 j'aime

4

Roma
trineor
5

La plastique parfaite, l'œil désincarné

Franchement, j'aime tout de Cuarón... et là, le gars fait son film à l'évidence le plus personnel et le plus intime, et pour la première fois je trouve ça rigide et morne. Le genre de rencontre qui...

le 16 déc. 2018

55 j'aime

9

Du même critique

Interstellar
Enlak
9

"Nous sommes les fantômes de l'avenir de nos enfants"

Tout d’abord, l’annonce que Christopher Nolan se lançait dans un nouveau projet de science fiction, et dès l’annonce du concept, l’attente fébrile avait commencé. Un vaisseau qui allait visiter des...

le 20 nov. 2014

56 j'aime

13

Minority Report
Enlak
9

Critique de Minority Report par Enlak

Deuxième adaptation de Philip k Dick la plus réussie, après « Blade runner ». Vu, revu et rerevu à une époque où les films disponibles étaient limités, ce qui explique mon affection personnelle pour...

le 11 sept. 2013

49 j'aime

4

Transcendance
Enlak
5

De très bonnes idées gâchées par un traitement maladroit

Des scientifiques tentent de mettre au point la première intelligence artificielle, dans le but de changer le monde, d’accéder à une nouvelle étape de l’évolution et de régler les problèmes que...

le 30 juin 2014

37 j'aime

8