Roma
7.1
Roma

Film de Alfonso Cuarón (2018)

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Sur un sol extérieur recouvert d’eau de ménage se réverbère le ciel telle une fenêtre blanche traversée langoureusement par un avion. Tout est déjà là, dans cette ouverture merveilleuse : nous regardons les étoiles et l’évasion qu’elles nous évoquent depuis son reflet terrestre, entre deux crottes de chien. L’avion c’est le désir féminin d’échapper à sa condition. Mais rien n’y fait. Nous demeurons enracinés, terriens. Roma c’est la lecture en miroir d’Amor, et dans cette inversion nous trouvons les échos de l’amour impossible. L’homme est défaillant, dangereux, destructeur ; il brise les ménages, désacralise les symboles au point de cacher son alliance sous ses caleçons ; il menace l’union, ne serait-ce que par sa fuite, ne serait-ce que par cet énorme crabe qui semble convoiter les jeunes mariés ou la barre de kung-fu agitée comme phallus dominant. La femme se doit alors de porter la maison à la manière de ce professeur en position méditative, les deux bras croisés au-dessus de la tête pour former un toit, une jambe pliée sur l’autre pour incarner le déséquilibre apparent : pourtant l’ensemble tient, le corps porteur ne chute pas, tout est une question de volonté. La vie va au gré des vagues au risque de noyer les plus jeunes heureusement sauvés par la mère ou, ici, par son substitut maternel – l’une porte le deuil de son union devant l’Eglise, l’autre dans le lit d’un absent. Une même leçon à tirer : la solitude, partout régnant. Peu importent le statut, le rang. Sauf qu’au lieu de s’y engouffrer, la femme choisit la lutte bien que demeurant cloîtrée dans sa condition comme les sont les oiseaux dans la cage ou le chien dans le hall d’entrée. Car c’est au cœur de l’espace familial que la mère gagne les sommets, disparaît dans le soleil pour ne laisser derrière elle que le bonheur d’une reconstruction à entreprendre, encore et encore, au gré des vents et des marées. Roma, œuvre bouleversante à la photographie démentielle qui touche l'humain de la manière la plus sensible et brutale qui soit.

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le 5 déc. 2018

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