Revoir Jon Krasinski au tout début de Sans un Bruit 2 a de quoi décontenancer, surtout quand on se souvient du sort qu'il s'était réservé dans le film précédent.


Mais il s'agit bien sûr, sous l'oeil de sa caméra, de capter les premières minutes du jour un, celui qu'on retient. Ce samedi ou dimanche après-midi sacré pour la famille américaine, ainsi que pour la communauté, unies autour du terrain de baseball local.


Pour mieux saisir ce ciel déchiré par l'inconnu, suscitant l'incrédulité, un flottement dans ce que l'on perçoit comme important sans pour autant savoir le définir tout de suite. Pour mieux saisir, dans un éclair, l'irruption dans un quotidien sécurisant de la menace et de la mort qui prend par surprise, à laquelle on a du mal à croire tout d'abord, avant que l'urgence ne devienne une question de survie. Un tel prologue renverra sans équivoque à Steven Spielberg filmant sa Guerre des Mondes et qui convoquait, en 2006, les mêmes sensations d'exaltation et d'immersion immédiates.


Sans un Bruit 2 démarre donc sur les chapeaux de roues, pour ensuite se raccorder à la fin abrupte d'il y a trois ans, et cette nécessité de quitter un refuge en proie aux flammes. Sans doute une façon, pour Jon Krasinski, de faire accepter l'abandon de la formule du huis-clos quasi total du premier opus. Et d'élargir l'univers de sa famille mutilée.


Ce qui passera aux yeux de beaucoup pour une tare ou une trahison s'affichera au contraire comme une grande force du film, d'autant plus que Krasinski en profite pour manier son idée force de manière bien plus réfléchie et adroite. Exit, par exemple, ces plans beaucoup trop insistants sur un clou dans l'escalier, en force de menace archi obligée, comme si la présence des aliens et les cliquetis de leur communication ne pouvaient se suffire à eux-mêmes.


Et surtout, le réalisateur a compris qu'il fallait mettre sa musique envahissante en sourdine, elle qui nuisait à l'immersion et au suspens de Sans un Bruit. Aujourd'hui, le son est utilisé avec beaucoup plus de discernement, les moments de silence absolu faisant corps avec l'ensemble du film.


Sans pour autant abandonner totalement les séquences de claustration, toujours aussi efficaces, l'oeuvre, dans l'extension de l'univers, privilégie aujourd'hui le mouvement et la division de sa famille, qui insuffle à Sans un Bruit 2 une autre atmosphère, une autre dynamique. Et certains plans lents et riches rappelant parfois Je Suis une Légende, tels ce travelling sur un quai de gare déserté, ou encore une scène de train fantôme formidable.


Jon Krasinski nous offre par ailleurs de très jolies trouvailles de mise en scène culminant en deux séquences de montage parallèle démultipliant tant les moments de suspens que les enjeux émotionnels animant chacun des membres de la famille. Toutes en résonances, réunissant les personnages malgré la distance qui les sépare, de telles scènes font plaisir à voir et resteront longtemps en mémoire après le générique final. D'autant plus qu'elles procurent un curieux écho avec le portrait exécuté par Jon Krasinski de l'Amérique d'aujourd'hui, plus que jamais divisée, tandis que certains semblent avoir régressé vers un état primaire proche de celui adopté par les zombies. De quoi faire froid dans le dos, et peut être plus encore que les aliens décrits, au design tout en simplicité mais diablement efficace une fois en mouvement.


Mais la vedette de Sans un Bruit 2 revient sans nul doute à Noah Jupe et Millicent Simmonds, dont la dynamique reprend à l'identique celle adoptée par leurs parents trois ans plus tôt, tandis que la dernière citée devient la véritable force motrice du film, prouvant que les enfants murissent aussi dans l'adversité.


Comme le film qui s'impose comme une jolie réussite et une suite en tous points meilleure que son grand frère.


Behind_the_Mask, ♫ Radio kills the beasts from the stars... ♪

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le 19 juin 2021

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