Si la Corée du Sud est le pays asiatique ayant le plus remarquablement exporté son cinéma depuis une quinzaine d'années, la Chine semble aujourd'hui prendre peu à peu son envol et commence elle aussi à jouir d'une reconnaissance internationale.
Premier volet de ce qui s'annonce une trilogie et présenté en clôture du dernier festival de Cannes, Séjour dans les monts Fuchun a bénéficié de premiers échos très favorables.
Le film prend place à Hangzhou, ville côtière au sud de Shanghaï. On y fait la connaissance d'une famille qui se retrouve au restaurant pour fêter en grande pompe l'anniversaire de la matriarche. Sauf que celle-ci, au moment de remercier ses fils et petits-fils, fait un malaise. Après un court (mais coûteux) séjour à l'hôpital, chacun doit se rendre à l'évidence: Mamie n'est plus en mesure de vivre seule.
A partir de cet événement, on va donc apprendre à découvrir la famille, notamment les quatre fils et par extension, leurs femmes et enfants. Tous incarnent la classe moyenne "basse" chinoise, celle qui travaille dur mais qui en vit tout juste correctement.
C'est à travers cette famille que Gu Xiaogang, le jeune réalisateur, lui-même originaire de Hangzhou, va nous parler de la Chine de 2020. Cette Chine en pleine métamorphose, à l'image de ces quartiers entiers démolis et remplacés par des logements souvent trop chers, y compris pour ceux qui travaillent. Cette Chine qui prend conscience qu'elle doit prendre soin de son environnement, elle qui l'a longtemps sacrifié sur l'autel du développement économique (les personnages évoquent régulièrement de nouvelles lois qui ne permettent plus de polluer le fleuve, de pêcher à la dynamite, etc...) mais qui parallèlement, reste parfois très conservatrice dans ses mœurs (l'importance de faire un "bon mariage" revient très souvent, quitte à ce que les parents choisissent à la place des premiers concernés). Cette Chine où l'augmentation du coût de la vie oblige certains à vivre dans leur petit bateau de pêche et d'autres à prendre le chemin de l'illégalité pour subsister. A vrai dire, il est beaucoup question d'argent dans Séjour dans les monts Fuchun, en raison des "nouveaux besoins" -créés par cette société en mutation- pour certains, et la simple nécessité de "joindre les deux bouts" pour les autres.
L'oeuvre de Gu Xiaogang, au-delà des sujets de société abordés, est également filmée de manière assez remarquable et l'environnement urbain est dépeint avec un certain esthétisme. On pourra en revanche trouver regrettable qu'il y ait peu de musique pour accompagner ces belles images.
De même, si on ne s'ennuie jamais vraiment, les 2h30 du film pourraient quand-même paraître un peu longues à certains, d'autant que le rythme n'est pas franchement trépidant et que les émotions pourront être difficile à "capter" par le spectateur occidental.
Séjour dans les monts Fuchun est une jolie fresque familiale et sociale au cœur d'une Chine en perpétuel changement. Très "propre" d'un point de vue visuel et porté par des acteurs toujours justes, le film s'apparente davantage à un constat qu'à une critique (hormis sur la question des rapports parents/enfants peut-être), mais n'en sera pas moins instructif pour le spectateur qui connait mal l'Empire du Milieu.
A seulement 31 ans, Gu Xiaogang nous propose un travail, qui ne passionnera pas tout le monde certes, mais quoiqu'il en soit d'une étonnante maturité. Charge à lui désormais, de maintenir l'intérêt du spectateur sur les deux autres volets d'ores et déjà annoncés....