La rivière Fuchun traverse la ville d'Hangzhou. La rivière Fuchun traverse, depuis des temps infinis, les vies de ses habitants. Gu Xiagang se fait conteur sur fond mélodique de clipotis de l'eau et nous raconte l'histoire d'une famille, de 4 frères, 4 frères comme 4 saisons, 4 frères comme 4 manières d'aborder la vie, comme 4 modalités d'une relation nécessaire à la rivière.
4 saisons et l'invitation ainsi à une temporalité nouvelle. Contrastant avec les nouvelles temporalités de la vie moderne incarnées par l'activité de la grande ville d'Hangzhou, il y a le rythme de la nature et celui de la rivière. Le film nous impose sa lenteur et nous apprend, au fil des saisons, au fil des focus fait sur chacun des frères tour à tour, à comprendre la complexité d'une vie de famille, de la vie tout court. Chaque saison est en effet l'occasion de se pencher sur le point de vue d'un nouveau quart de la famille, d'en comprendre ses enjeux, son rythme. Par cette sagesse, le réalisateur nous offre donc la chance d'une compréhension fine et nuancée de cette histoire familiale, nous permettant de nous attacher à chacun des personnages, qui devient bientôt, un membre de notre famille, avec ses qualités et ses défauts.
Les saisons passent mais la rivière, cependant, demeure. Impassible, inchangée par les ans, elle est à la fois observatrice des moeurs, guide pleine de sagesse, source de vie, mais surtout un rappel à l'humilité. Car en effet, nous découvrons à travers les quatre visages des frères, quatre manières d'aborder la rivière, quatre manière de la comprendre. Ainsi la rivière se fait parfois complice des amours purs (la fille du frère ainé), et si l'un s'y opposait, il se retrouverait bientôt contraint à l'acceptation (on ne va pas à contre-courant de la rivière Fuchun). Elle récompense ceux qui lui sont fidèles et la reconnaissent mère nourricière (à l'image de la famille du frère n°2 à qui tout semble réussir, ou en tout cas, qui accepte tout avec sagesse et patience). Le troisième frère lui, maladroitement bon mais égaré, s'éloigne bientôt de la rivière pour flirter avec l'illégalité, en mouton noir désespéré. Le dernier enfin, reste le mystère de ce film: il est pourtant le printemps de ce film, la clotûre d'un film qui promet alors une suite. Que sait-on de cet homme qui cherche l'amour le long des berges et fouille les décombres d'une ville en renouveau? Il est pourtant le préféré de la mère... La mère. Le lien central qui réunit ses personnages: par son sang, par sa maladie, bientôt par sa mort. La mère, douce, aimante, sage... comme une rivière qui s'écoulerait au milieu des vies modernes. Qu'a donc la rivière à nous dire de ce dernier fils? Il faudra attendre la suite de ce film pour le savoir.
Gu Xiagang dépeint une fresque familiale universelle, qui parle de la modernité et de son rapport à l'essentiel, nous présente à travers le visage de cette famille un portrait de la Chine actuelle. Il signe ainsi un très beau film, qui sait prendre le temps de la nuance et reste en souvenir doux comme le bruit blanc de l'eau.

BeatriceKiddo
7
Écrit par

Créée

le 10 févr. 2020

Critique lue 164 fois

2 j'aime

Beatrix Kiddo

Écrit par

Critique lue 164 fois

2

D'autres avis sur Séjour dans les monts Fuchun

Séjour dans les monts Fuchun
Mattchupichu77
9

Nous tenons de notre famille aussi bien les idées dont nous vivons que la maladie dont nous mourrons

Avant cette belle année de cinéma 2019, le séduisant et plutôt énigmatique titre "Séjour dans les Monts Fuchun" n'évoquait qu'une peinture célèbre de l'artiste chinois Huang Gongwang (1269/1354)...

le 23 janv. 2020

27 j'aime

Séjour dans les monts Fuchun
blacktide
7

Le Chant des Saisons

« Qui ose traverser les grands fleuves ne craint pas les petites rivières. » Non, nous n’avons pas trouvé ce proverbe chinois dans un biscuit où l’aphorisme se lit autant qu’il se mange. Et pourtant,...

le 22 déc. 2020

19 j'aime

1

Séjour dans les monts Fuchun
mymp
3

La vie est un long, très long (trop long) fleuve tranquille

Nouveau venu dans le paysage cinématographique chinois (et international puisque Séjour dans les monts Fuchun a été projeté au dernier festival de Cannes), Gu Xiaogang risque fort de rejoindre le...

Par

le 31 janv. 2020

16 j'aime

Du même critique

1917
BeatriceKiddo
8

Reveille toi: il est temps d'affronter la vie

Bien sûr, avant tout, il y a l'immersion. Le film s'ouvre sur un dormeur engourdi, comme ce spectateur qui s'installe paresseusement dans le film. Ce soldat presque sans nom, c'est le suiveur, celui...

le 9 févr. 2020

1 j'aime

En liberté !
BeatriceKiddo
8

Objet Cinématographique Non Identifié

Le film s'achève et je reste perplexe: convaincue que j'ai adoré le film, certes, mais surprise par la proposition cinématographique complètement nouvelle. Bien sûr, on peut penser aux comédies...

le 10 févr. 2020

1 j'aime

Under the Skin
BeatriceKiddo
8

Fascinant fasciné

J’ai commencé Under the Skin, un plateau télé sur les genoux. Et pourtant, dès les premières secondes du film, j’ai compris que j’étais dans la mauvaise disposition. Il me fallait être complètement...

le 14 févr. 2020

1 j'aime