Le film Seven Sisters est mauvais. D'un moralisme affligeant.
Aucune profondeur, aucun relief ni contraste, et à aucun moment. Qu'il s'agisse de la prestation des acteurs, de la présentation du contexte, de l'environnement, des personnages, de l'intrigue, du scénario, de la réalisation, ce film est une blague. Et il faut bien en parler, étant donné le succès qu'il rencontre.


Il sera difficile de tout aborder, mais tentons une synthèse : le film traite d'une réalité plausible voire probable dans un futur proche concernant l'expansion démographique de l'humanité, en croisant cette dernière de manière presque intéressante avec la question de la surexploitation des ressources planétaires. En soi, voilà de quoi faire enfin un film pertinent et même nécessaire aujourd'hui, quand bien même il adopterait une réalisation facile et commerciale destinée au grand public. Mais les premières minutes du film qui servent également de bande annonce closent le sujet aussitôt qu'il est exposé : voilà le tableau, puis basta. Aucune problématisation supplémentaire n'est suggérée durant toute la réalisation qui se réfugiera dans des intrigues inter-personnelles superficielles qui fera croire que l'enjeu réel et redoutable de nourrir 10 milliards d'individus repose sur la seule personne de Cayman qui incarne la "méchante".
"Montrons le vrai visage de Cayman !" - Ok.... Quel vrai visage ? Si déjà on est amené à être "choqué" de la limitation des naissances, que ce soit par voie de cryogénisation,


voire même de crémation,


pourquoi cela est-ce "choquant" ? Parce que "moralement", c'est dur ? Pourtant, face à une surpopulation planétaire, il s'agirait là de mesures assez logiques et logiquement nécessaires. En général pour protéger un mode d'organisation sociale, ça date pas d'hier : des pharaons qui tuaient des générations entières de nouveaux-nés aux Spartiates qui éliminaient les jeunes enfants les plus "faibles", jusqu'à la récente politique de l'enfant unique en Chine, ce ne sont pas des problématiques "nouvelles". Là, ce qui serait nouveau, c'est la nécessité "technique" de résoudre le problème de la surpopulation planétaire qui enlève l'aspect idéologique-fasciste de la question.
Et c'est là que le film pourrait proposer et inciter à une vraie réflexion anticipatrice, notamment sur la dimension politique du capitalisme effréné qui seul explique la situation exposée en introduction. Mais non, on va se contenter de faire pleurer les chaumières sur les pseudo-personalités superficielles et ultra-stéréotypées de sept soeurettes dont la première et dernière scène (pas la peine de se casser la tête, le scénario doit être "efficace") de repas du soir nous impose un non-débat prémâché, sinistrement prévisible et, outre qu'il soit inintéressant, surtout inutile. "Moi, je veux vivre ma vie - Mais moi, j'y crois en notre identité unique - Mais moi, je préfère rien dire - Mais moi, je m'en fous - Mais moi, je préciserais juste que c'est la seule vie qu'on connait" et Bingo on a une gagnante ! Ben ouais, si la seule vie que tu connais est celle-là, avec derechef une vie unique autour de la personne unique de Karent, on voit mal comment devient possible des prises de recul critique et le développement de personnalités singulières. En fait, c'est quasi-impossible. Des études ont été faites : des jumeaux qui vivent la même chose de manière stricte réagissent séparement de la même manière aux mêmes situations. Ce qui est le cas ici, aucune des soeurs n'a de vie propre et n'est même pas en mesure d'imaginer ou de comprendre ce que cela signifie. Donc cette scène où les soeurs se distinguent par le look : L-O-L. Sauf que c'est même pas drôle. Juste navrant.


Suite à cela, on peut tenter une liste non-exhaustive de micro-scènes à la fois stupides, incohérentes et inutiles au scénario :
- le concierge qui crève....comme ça, il crève. Le mec fait son taf, demande aux "méchants" de l'agence gouvernementale s'ils sont résidants ou visiteurs (d'un coup, on peut entrer comme ça dans l'immeuble-bunker, soit dit en passant, même si ce sont des..."méchants" avec des badges probablement "multi-pass"...bref) et...paf, il se fait plomber et se prend une bastos dans la carafe. Ok. D'accord. WTF ?! "Visiteurs". Ah. Bon. Pourquoi le flinguer ? De un, même les fascistes ou les nazis ne flinguent sans doute pas les concierges d'immeuble qui font leur taf, peut-être sous le régime de Polpot... 2) un coup de pression ou de terreur à la Gestapo pour faire comprendre au gars qui doit fermer sa gueule aurait suffi, mais là, c'est l'exécution sommaire qui, en prime.... 3) ne sert à rien et en rien pour le film ! Conclusion : c'est là qu'on pige que ce film c'est de la daube. Le renoi qui tient la porte n'aurait rien dit, pigeant qu'il vaut mieux fermer sa gueule, il se serait sans doute manger la bastos quand même. Mais après ça, faut "sauver la démocratie" en montrant le..."vrai visage de Cayman" ! C'est-à-dire en montrant à tous qui le voient et le subissent qu'elle pique des gosses. Well. Je crois que tout le monde a pigé que c'est un régime de terreur extrême, en mode ghetto concentrationnaire géant avec la reproduction des classes sociales figées, et que "vrai visage" ou pas, les gens sont de toute façon veners du régime et sont pas dupes. Non ? A qui on s'adresse avec une intrigue si débile ? Aux jeunes classes moyennes actuelles qui supportent pas la moindre petite secousse pour les préparer à accepter moralement qu'il faut buter les gosses de pauvres pour qu'ils soient moins nombreux ? Alors que c'est déjà ce qu'on fait laissant les "migrants" couler dans la mer par milliers ? Ou, s'ils survivent, en les enfermant dans les camps, pardon, les centres de rétention avant déportation, pardon, expulsion ?
Le problème n'est pas la limitation des naissances, ni même la liquidation des gosses (pas quand l'humanité est en mode survie avec 10 milliards d'individus et en manque de ressources), mais le système social qui le conçoit : qui décide de ça ? pour qui ? Encore les bourgeois qui se protègent eux-mêmes, semblent-ils. D'ailleurs, les propositions de loi lors du discours final de la "méchante" à la fin du film suggèrent que seuls ceux qui ont un taf pourront avoir des gosses - et un bon taf ! Ben ouais, normal. Bref.
-les gens se font flinguer comme ça dans la rue, lors de la poursuite, mais là n'est pas le "vrai visage de Cayman"
-les 4 soeurs se sont fait massacrer, mais les survivantes pardonnent tout, pas de problème : elle a fait ça pour sauver ses rejetons, ça méritait bien de nous niquer la gueule. Alors protégeons-les
-on hésite entre soupirer de lassitude, de déjà-vu cliché avec un murmure blasé de "mdr, comme c'est mignon"
-chacune des soeurs est une tomb raider : elles niquent des robocops supposément surentrainés en 2-2...WTF ?!
-de toute façon, de bout en bout, le scénario n'est pas crédible et ne tient pas la route : donc les gamines ne sont jamais sorties de l'appart avant leurs...dix ans environ ? Encore une fois, elles n'ont donc aucune vie singulière puisqu'elles jouent toutes le même rôle à l'extérieur : comment peuvent-elles développer des personnalités (même ultra-stéréotypées) ?
-chaque mort (exécution sommaire) est "héroique" et pathétique, avec ses violons à n'en plus finir, d'ailleurs celle qui crève dans l'appart, elle fait pile glisser une larme avec son ultime soupir : woaw, trop triste mdr
-pleurons dans les chaumières, c'est du pathos mal fait et inutile sans arrêt; que des trucs nimp : ok à la fin le chef des "méchants" en costard va lui-même arme au poing se friter avec les meufs au lieu d'envoyer son armée; et son espèce d'adjoint, la meuf renoi, pareil ? "récupérez/sécurisez les serveurs" : ok, pas de pbme, d'ailleurs je sers à rien et je sais pas parler, et bam je nique les serveurs en les renversant sur le "gentil" qui bossait avec les "méchants" mais qui est "gentil" quand même parce qu'il a fini par comprendre que les autres étaient "méchants".
- est-ce la peine de mentionner l'environnement pas soigné, vaguement futuriste suggéré à coups d'écran à la "minority report" comme dit télérama; ok et ça s'arrête là; aucune scène "collective", aucune atmosphère, sauf celle où les gens jettent des projectiles sur les keufs; outre que c'est marrant et jouissif, c'est peut-être la seule scène qui propose une profondeur car...ah ouais, ya de la misère en fait ? et les gens sont véners en fait ? mais d'ailleurs, c'est quoi ce putain mode d'organisation sociale ? non, encore cette saloperie de capitalisme qui est d'ailleurs la cause du merdier des ressources en pénurie ? mais quand le capital a besoin de faire "de la place", il créé guerres, massacres et génocides, pourquoi d'un coup il s'en priverait ? d'ailleurs c'est ce qui choque télérama, "utiliser le four crématoire et l'univers concentrationnaire", ouais et alors ? ça veut dire quoi ici "utiliser" ? Si c'est le fait qu'à des fins commerciales, on utilise l'imaginaire collectif des "méchants" à travers la réalité historique des nazis réduite à ça, ok. Mais sinon, c'est modes d'organisation sociale à interroger dans le futur pour mieux les prévenir.
-"ouais, on a le contrat entre Cayman et lundi qui explique tout....mais on ne le lit pas et du coup on comprend toujours rien ! Plutôt sauvegarder mes photos de famille avec papy en étant sous les balles !"
-et, magnifique, la pseudo chute de la soeur qui dénonce les autres avec la pseudo confrontation finale à 3 francs ; la scène minable du "oh mon dieu, elle ne gèle pas les gosses, elle les crame, c'est affreux !" . Et puis, à aucun moment on pose la vraie question : ben on fait quoi et comment ? parce que même éradiquer le capitalisme, pas sûr que ça suffise là (d'ailleurs, trop golri la loi du "stabilité financière oblige ! que les pauvres crèvent"...ben c'est déjà ce qui se fait non ?)
bref de la daube
maintenant, posons le vrai débat : à quoi sert ce film, et à qui ? pourquoi est-il réalisé de cette manière et dans le but évident de toucher un public ado en masse ? anticipation des mesures futures et préparation des esprits au désastre permanent du présent ?


Sur d'autres problématiques initiales, mais traitant certains symptômes identiques (société totalitaire et futur -proche-, absence de ressources, intrigue de type policière, etc.), le film l'armée des douze singes désigne pourtant un exemple d'un film intelligent et réussi, sur tous les plans où seven sisters est raté...

makhno_guy
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le 12 août 2018

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