Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Divulgachage inside (and out)


Pour la première fois dans l’histoire de la firme du PDG Mickey, un film est sorti exclusivement sur Internet et sur la plate-forme dédiée Disney+. Si la révolution du média est bien là, anticipée en cela par une crise sanitaire mondiale, le dernier long métrage du studio Pixar arrive-t-il a repousser les limites de l’animation numérique et à transcender les errements des dernières productions disneyiennes ?


What’s up Doc ?


Dès la bande-annonce, on pouvait craindre une resucée de Vice-Versa troquant l’anthropomorphisation des émotions pour celui des âmes. Heureusement non. Pete Docter et Kemp Powers accouchent d’une histoire différente et traitent de thématiques autres. Mieux encore, Soul se pose en négatif du dernier projet en date de Docter. Le film est construit comme un buddy movie auquel vient se greffer une prothèse body swap. Des copains qui changent de corps quoi ! C’est autour des personnages de Joe Gardner et 22 que va s’articuler l’histoire. Joe Gardner, afro-américain palpant la quarantaine est prof de musique le jour et pianiste de jazz raté la nuit. 22, amas gélatineux bleu-vert, légèrement duveteux, âme en formation et ado en déformation.
En 15 minutes les enjeux sont posés : Joe meurt sans assouvir sont « rêve » de pianiste de jazz et il va devoir valider le visa pour la Terre de 22 et ainsi se substituer à elle pour retourner à la vie. Pfiou !


Joe Coltrâme


Joe Gardner est inspiré, passionné, obsédé par le jazz. Il vit jazz. Être naïf et rêveur, il vit dans l’ombre d’une mère pragmatique qui le décourage à suivre la voie de son père décédé : devenir pianiste jazz pro. Lorsqu’il meurt à la veille de son premier concert, il refuse sa mort et se retrouve à jouer le « mentor » pour une âme en formation nommée 22, Vingt-deux pour les plus littéraires, XXII pour les latinistes ou 22 !!! pour les allergiques aux forces de l’ordre. 22 est une âme rétive et subversive qui se refuse à se rendre sur Terre. Joe doit pourtant l’aider à se découvrir une flâme, une étincelle inspirante pour orienter sa vie. Cette création de personnage tient plus du jeu de rôle que du jeu de dâme. Il suffit de remplir les cases en suivant le concept du déterminisme primaire. Là où Vice Versa faisait la part belle à l’acquis, Soul s’étale dans l’inné avec une âme à la personnalité figée, bien à l’étroit dans sa boite. Aucun mentor n’arrivera à faire vaciller la détermination de 22 quant à son refus de s’incarner. Pas même le grand Abrahâme Lincoln.


Soulagement


Le film repose malgré tout sur un structure saine. Après l’exposition et les enjeux de nos 2 protagonistes, direction la Terre pour le body swap. Joe en chat et 22 en Joe. Oui, un félin joufflu et ventripotent aux faux airs de hamster qui laisse penser que Docter et son équipe ont dû consommer quelques substances parfaitement légales du côté d’Hamsterdâme (désolée). C’est avec le recul et voyant évoluer son corps avec 22 à la barre que Joe va découvrir d’autres aspects de sa vie que son obsession pour le jazz occulte. Sa relation aux autres, avec ses proches ou encore sa mère. La partition est maîtrisée, les scènes dans cet incroyable New York virtuel sonnent juste, seuls quelques dialogues accouchent de fausses notes et des gags peu inspirés viennent ternir la gâme. Coté pile, 22 s’essaie à la marche bipède, à la pizza, au barber shop et à la bouche de métro façon Marylin. Quelques grâmes de finesse dans un monde de brutes. Et bien évidement, 22 prend goût pour cette petite blague qu’est la vie et refuse de rendre son corps à Joe. Fin de l’acte II, le plus réussi du film car le plus sincère.


Docteur Jekyll et Mister Clamp


Malheureusement la conclusion plombe la qualité générale du film en ne pouvant s’extraire de l’identité écrasante imposée par les productions Disney. Pourtant l’entâme est réussie. Après la rupture 22/Joe, ce dernier accède enfin à son rêve en se produisant sur scène. Il réalise enfin qu’il avait trop idéalisé son fantasme. La petite histoire de Dorothéa vient enfoncer le clou. On peut déjà vivre son rêve et ne pas s’en rendre compte et passer sa vie à poursuivre des chimères. Dans ce sens, le choix du jazz prend toute son ampleur car il est LE style de l’improvisation. Joe comprend qu’il faut composer avec toutes ses imperfections et improviser sur les fausses notes qui jalonneront la partition de sa vie. De retour via Transe Express dans le Grand Avant pour sauver 22 de sa dépression, Joe va se lancer à la poursuite de son ancienne « élève » temporairement passée sous les traits du kaonashi du Voyage de Chihiro. Ultime dialogue entre le mentor et le padawan, montage de scènes qui font des larmes dans les yeux, musique qui mouille les larmes pas assez humides. L’opération du Docteur et de son Clamp échoue dans le mièvre secondée par les voix de Omar Scie, qui ne sait toujours pas jouer du drâme, et Camille Coton qui n’a pas de vrai texte à déclamer. Allergiques au miel et autres sirop sirupeux s’âmestenir. Pour parachever cette âmputation de la nuance, après que 22 a regagné la Chine avec son âme enfin complète, Joe dont l’âme est de nouveau en transit se voit offrir une nouvelle incarnation sur Terre. Ultime trahison au bon sens, Pete Docter signe ici un final ridicule assisté dans sa chute par un Powers Rangé. Joe avait accepté sa mort, accomplie son œuvre sur Terre et dans le Grand Avant. Qu’il ait supplanté en efficacité des Lincoln, Mère Thérésa et autres Marie Antoinette. Copernic ta mère ! Ça suffit pas !


Âmebivalence


Malgré son postulat au déterminisme douteux, ses imperfections dans les dialogues, son introduction expédiée et le naufrage de sa conclusion, Soul reste un métrage honnête qui aborde des thèmes riches et complexes qu’il arrive à traiter dans la nuance. A l’instar de ses précédents projets, Pete Docter ressassent malgré tout les mêmes obsessions. Le rapport à l’autre, la perte, la construction de la personnalité. Dans le traitement de certaines scènes jusqu’à ce final abrupt, on devine l’emprise des producteurs à la Souris. Pour faire rire les enfants, pour ne pas les choquer. Fort heureusement cette fois, il n’y a pas de chiens qui parlent… Il reste pourtant quand défile le générique de fin sur mon petit écran plat un sentiment de malaise. Cette idée que l’œuvre aurait pu être différente si elle avait été produite ailleurs que dans une entreprise qui considère ses spectateurs comme des clients et ses œuvres comme des produits. Une entreprise qui nous confronte bien trop souvent ces derniers temps à l’âmerthune...

Alyson_Jensen
6
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2021. Année sans masque et sur grand ECRAN !!!!!!!

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le 5 janv. 2021

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Alyson Jensen

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