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Il y a quelques années, Blumhouse était une chouette boîte spécialisée dans les films d’horreur à petit budget. Face au déclin du genre à la fin des années 2000, c’est chez elle que sont venus trouver refuge des réalisateurs comme James Wan, Rob Zombie ou Scott Derrickson. Beaucoup de projets fauchés mais audacieux ont ainsi pu y voir le jour, comme Insidious ou Sinister. Pendant des années, Blumhouse a apporté la preuve qu’il était possible de faire du fantastique haut de gamme, avec trois bouts de ficelle. Mais ça, c’était avant. Parce que depuis, la maison Blum est passée de projets fauchés et sympa à des projets fauchés et médiocres. American Nightmare, Ouija, Paranormal Activity et leurs innombrables suites. Les netflixeries vite faites, mal faites à la Hush. Des films au pire scandaleux, au mieux corrects, qui peinent de plus en plus à justifier la surexposition de cette maison de production. Non, Jason Blum n’est plus le producteur modèle qu’il était. Car d’une bienveillance certaine envers le cinéma d’angoisse et d’horreur, il est en train de passer à une vulgaire vision d’exploitant sans scrupules. Et le pire, c’est que l’argent généré par ses films ne sert pas à financer des projets plus ambitieux : cet argent, Blum préfère le mettre dans le buzz et la pub. Ce qui fait qu’on se retrouve aujourd’hui avec de plus en plus de films tournés à la va-vite, massivement marketés et se suivant à la queue-leu-leu dans un planning agressif qui semble avoir été pensé pour obstruer toute fenêtre de sortie chez la concurrence. Test : quelle part ont les films fantastiques non-Blumhouse dans les sorties en salles de ces cinq dernières années ? Ne cherchez pas, vous allez vous faire peur inutilement.


Mais le plus énervant, et le plus nouveau aussi, c’est quand le producteur s’arroge des grands noms du genre pour faire « bankable », tout en imposant des contraintes qu’on devine perverses. Même Shyamalan, habitué à une productivité quasi-annuelle, n’arrive clairement pas à tenir le rythme, se camouflant derrière les éternels atours du « film-concept » cher à Blumhouse pour vendre sa came. De la part du réalisateur de Sixième Sens, du Village et de Signes, on pourrait à la rigueur légitimer la démarche… si elle était un minimum motivée par autre chose que l’appât du gain. Par exemple, on ne le dit pas assez, mais Split est un film avec des filles qui se foutent en culotte pour rien et qui n’ont aucune personnalité. De la part de Shyamalan, c’est une première. Désolé, mais s’il faut voir dans ce racolage massif un renouvellement du cinéaste comme le martèlent une nuée de critiques abrutis, autant demander tout de suite à Cyril Hanouna de réaliser le prochain Conjuring. Dans une carrière pourtant irrégulière, jamais Shyamalan ne s’était abaissé à ce procédé indigne. Il en va de même pour sa célèbre tendance au plot twist, ici réduite à un cliffhanger bas de gamme qui pousse simplement à aller voir la suite, sans autre forme de finesse. On parle de Shyamalan ou du premier péon venu ? Apparemment, pour Blumhouse, cela n’a plus d’importance : tant que le nom est sur l’affiche, ça suffit…


Je pourrais enchaîner les constats lapidaires jusque dans la soi-disant performance de James McAvoy (acteur que j’apprécie au demeurant) qui se contente d’aligner deux ou trois personnalités sur les 24 que promet l’affiche. Là encore, c’est incroyable à quel point les gens tombent facilement dans le panneau du buzz. Son jeu n’a rien d’extraordinaire, pas plus que la manière de Shyamalan de mettre en valeur ses changements de personnalité ("lol, il porte pas les mêmes vêtements"), renvoyant à de la simple technique de stand-up en moins impressionnant. Les dialogues entre la psy et lui, catalyseurs de l’intrigue, auraient pu mieux valoir le détour s’ils n’étaient pas plombés par une mise en scène aussi terne et un décor aussi toc… Bref, Shyamalan ne fait qu’effleurer des pistes sans jamais les explorer, et compte tenu de la qualité de ses précédentes réalisations qui étaient parfois tenues par de pires exigences de délais (plus de temps s’est écoulé entre The Visit et Split qu’entre Sixième Sens et Incassable), on mettra un billet sur la responsabilité de Blum dans cet échec. Donc non, Split n’est pas un film de cinéma, c’est un film Netflix qui a atterri par erreur dans les salles. On s’en bâfre avec le même appétit sans exigence, de la même manière qu’on se laisse aller au plaisir inoffensif et vaguement ennuyé de la vision d’un Hush par exemple. Dans une ère de surconsommation d’images, Blum est en train de comprendre que le modèle VOD est applicable au cinéma. Un peu, je ne dis pas, le plaisir coupable d’un petit nanar étant partie intégrante de la culture bis ; mais vampiriser le paysage à ce point, généraliser la production horrifique occidentale à ce genre de sous-produits est une attitude qui n’a rien à voir avec l’amour du cinéma de genre. Ce serait donc bien d’arrêter les conneries.

boulingrin87
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le 1 mars 2017

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Seb C.

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