De toute évidence, Spotlight possède un grand mérite : celui de l'épure de sa mise en scène pour faire place à la grandeur du sujet. Ici, pas de fioritures de personnages ou d'intrigues secondaires dont on se contrefout, pas de péripéties qui feraient inutilement dévier le récit ou le ralentir pour gagner du temps, pas d'effets de suspense ou esthétiques qui rendraient le projet plus grossier, plus démonstratifs. Le meilleur exemple de cette épure est sans doute d'ailleurs la fin du film : on répond au téléphone, puis on fait notre boulot, en arrière-plan, dans l'ombre, et puis c'est tout. Le choc de la toute fin n'est provoqué que par la simple lecture d'écritaux sur fond noir : quand la vérité est aussi forte, nul besoin d'effets supplémentaire. Les journaliste et le sujet sont ainsi laissés seuls à seuls, pour une quête importante et difficile, mais... rectiligne.
Car l'épure du film, rafraîchissante dans le paysage cinématographique américain cherchant constamment à faire adhérer le spectateur à ses personnages et/ou son propos, est aussi son penchant négatif. Déjà, les personnages n'existent pas (malgré le cabotinage de Ruffalo), n'évoluent pas, ne sont jamais en proie au doute. Leur grandeur de caractère inspirerait le respect dans la vraie vie, mais dans un film ils en paraissent alors un peu lisses. Pas dans le sens qu'ils n'expriment rien, car le personnage de Ruffalo exprime le dégoût, celui de Liev Schreiber l'intégrité sans concession, mais dans le sens qu'ils n'ont aucun relief. Ils ont un caractère unique qui ne sera jamais mis en péril au cours du film, jamais confronté à un dilemme moral ou physique.
Et c'est la même chose pour la mise en scène. McCarthy aligne les champs/contrechamps pour que le récit soit efficace et qu'il ne s'arrête pas sur une beauté esthétique futile, mais du coup le film ne propose pas de ligne de fuite alternative, même potentielle. Il y a une scénographie intéressante des bureaux du journal, mais rien qui ne soit non plus très original ou exaltant. Le film cite même par l'image Les hommes du président mais sans passion, comme s'il reconnaissait son appartenance au genre du film d'enquête avec dépit. Spotlight déroule son récit commis d'office (puisqu'il s'agit d'une histoire vraie), sûr de son trajet, trop sûr justement.
Le spectateur en ressort choqué en grandi par la quête humble et intègre de ces journalistes, mais jamais troublé ni surpris. Surpris d'avoir évité les clichés habituels, dans un sens oui, mais avec l'impression d'avoir déjà vu le film avant que ce soit le cas. Encore plus dommageable, le film ne donne rien à penser après la projection, puisqu'il n'y a pas à réfléchir face à la limpidité du récit. Le film est sûr de lui donc le spectateur en ressors avec le même sentiment. Un sentiment qui, selon moi, n'est pas particulièrement propice à la réflexion, à la confrontation d'idées. C'est, à l'inverse, ce qu'avait justement si bien réussi à mon sens Le Labyrinthe du silence (http://www.senscritique.com/film/Le_Labyrinthe_du_silence/12706461#), malgré une exploration parfois inutile du personnage principal.
Spotlight, dans sa totalité, est un paradoxe : il est à la fois exemplaire et totalement oubliable.