Il y a dans Stillwater une bonne dose d'intime et de blessure. C'est à l'évidence ce qu'il faut retenir du film. Où Matt Damon n'en fait pas trop, où Abigail Breslin rayonne. Où même Camille Cottin arrive à se faire (un peu) aimer. C'est dire l'exploit.


Même si l'axe le plus intéressant , pour tout vous dire, c'est bien sûr l'amour aveugle de ce père aussi opiniâtre que maladroit, aussi taiseux que bourrin. Parce que c'est un Américain, madame, épais, à l'image de ceux que l'on a en tête et que l'on nous dessine à longueur d'année quand on veut dénigrer le pays.


Car oui, Stillwater, c'est aussi l'histoire d'un étranger, animé de valeurs d'un autre âge, en plein choc des cultures, d'autant plus qu'il plante sa tente à Marseille, dans une coïncidence étrange avec ce qui peut être décrit de ses quartiers dans BAC Nord. Si la description de la culture US se limite à Trump et à la possession des armes, tandis que quelques affirmations politiques naviguent dans les eaux du hors-sujet, Stillwater se concentre longtemps sur son tandem, son père et sa fille qui s'aiment, avant de s'éloigner, de se mentir, de se faire mal.


On devine sans mal entre ses deux-là la faille qui les empêche de tomber totalement dans les bras de l'autre. Mais aussi cet amour inconditionnel d'un père qui est prêt à tout pour sortir sa fille de taule. C'est cela, le coeur de Stillwater, qui commence sous les meilleurs auspices : ceux d'une enquête solitaire à la recherche d'un assassin en forme de fantôme, de rumeur.


C'est en s'accrochant à de telles espérances que Bill suscite l'empathie et l'identification, loin des cartes postales de la cité phocéenne, mais loin aussi du réalisme des mécanismes judiciaires, au profit de l'esquisse d'un sentiment d'abandon carcéral en forme de tragédie, liée à la peinture naturaliste de l'Amérique prolétaire.


Stillwater aurait pu donc tutoyer les sommets. S'il n'avait pas adopté une telle durée, proche de l'amphigourie. S'il ne s'était pas aventuré sur les sentiers piégeux de la romance mélo épaisse animée des pires clichés. S'il n'alignait pas, dans sa dernière ligne droite, les invraisemblances.


A mesure qu'il avance, Stillwater perd donc beaucoup de son mojo, jusqu'à ce que son rebondissement phare se perde dans une indifférence incompréhensible au regard du sujet du film. Figurant presque comme une simple péripétie.


Si Stillwater immerge son spectateur dans un premier tiers formidable, il desserre peu à peu son étreinte pour inexorablement faire sortir son public de ce qu'il ressent et de son intensité qui s'étiole. Comme la promesse d'une vague qui ne viendra jamais.


Behind_the_Mask, alias la sardine qui a bouché le port de Marseille.

Behind_the_Mask
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Une année au cinéma : 2021 enfin !

Créée

le 27 sept. 2021

Critique lue 1.1K fois

12 j'aime

6 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

12
6

D'autres avis sur Stillwater

Stillwater
PETSSSsss
9

Cueilli comme une pomme

Je me suis engagé sur le film sans trop me renseigner et du coup en m'attendant à un thriller américain de consommation courante. Matt Damon en tête d'affiche dans un truc remuant pour le...

le 21 août 2021

48 j'aime

14

Stillwater
MalevolentReviews
7

French Connection

Dans la vie rien n'est gratuit, sauf la violence évidemment. Un bon vieux natif de l'Oklahoma nourri aux burgers et aux valeurs de la bannière étoilée, ouvrier volontaire et fervent croyant à table,...

le 9 août 2021

30 j'aime

2

Stillwater
limma
5

Critique de Stillwater par limma

Matt Damon n'hésite pas à aller dans des projets ou de simples rôles secondaires qui s'éloigne de celui si connu de Jason Bourne, prouvant aisément son amour du cinéma. Il s'affiche ici comme le...

le 20 août 2021

24 j'aime

8

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

181 j'aime

23