En 2008, The Strangers était une bonne surprise, un home invasion efficace et angoissant, qui n'aura pas les honneurs d'une sortie dans nos salles, mais va tout de même être une bonne affaire pour ses producteurs. Dix ans après, l'annonce d'une suite fût surprenante, surtout qu'elle bénéficie de quelques copies pour envahir nos cinémas. Alors, ne boudons pas notre plaisir et profitons-en.


Le film s'ouvre sur Kids in America de Kim Wilde. Le choix de cette chanson n'est pas anodin et laisse supposer que le trio de psychopathes est assez jeune. C'est la bande son d'une génération agissant selon leurs pulsions, sans se poser de questions. L'introduction sera brève, on nous emmène aussitôt faire la connaissance de leurs futures victimes, une famille de blancs fragiles quittant la maison familiale pour emménager dans un mobile home. La crise frappe toutes les couches de la société américaine, c'est triste. Mais ce n'est rien, par rapport à la nuit qui les attend face à cette bande de tueurs sanguinaires.


Après une unité de lieu se résumant à la maison, on change de décors, en se retrouvant dans un parc de mobile home. Le film a pour ambition de voir plus grand, de frapper plus fort et d'être un sacré navet. En tant que fan de John Carpenter, le réalisateur Johannes Roberts a voulu lui rendre hommage à travers ce film, mais il a oublié le plus important, le talent. Il encombre son film de plans inutilement long, comme sur la boite aux lettres où se trouve un smiley, en espérant distiller la même angoisse que dans Halloween. Cette influence se révèle néfaste pour l'histoire, surtout que d'autres références se font ressentir, tel Massacre à la tronçonneuse et Vendredi 13, dans un final des plus désastreux.


Dans son désir de coller à Halloween, Johannes Roberts donne la part belle à une jeune héroïne. Pensait-il nous feinter en éliminant rapidement Christina Hendricks? J'ose croire qu'il n'avait pas cette prétention, tant ce procédé est devenu redondant depuis Scream. C'est donc Bailee Madison qui va prendre les choses en main, en pleurant du début à la fin, sans oublier de crier pour nous maintenir en éveil. Dès sa première apparition, une larme coule sur son visage d'adolescente rebelle mal dans sa peau, affublée d'un tshirt des Ramones. Son taux de pénibilité est des plus élevé, au point d'espérer la voir se faire décapiter pour mettre fin à nos souffrances. D'ailleurs, on a envie de les voir tous crever et de prendre partie pour leurs tortionnaires d'une nuit, ce qui démontre une réelle aversion pour la pauvre petite famille en pleine crise existentielle.


En dehors de cette réalisation, qui va se révéler plus effrayante que les exactions de ce trio de psychopathes, il y a ce scénario des plus basique; ce qui est inhérent au genre; qui va aligner les poncifs et les situations les plus absurdes. On a droit à la tentative de faire sursauter le spectateur avec une porte s'ouvrant sur une pièce ou un chien apparaît par surprise, qui remplace l'habituel chat. Cette variante ne change pas l'absence d'imagination de la part d'une histoire écrite à trois, voir quatre mains selon diverses sources. Comme pour les références, l'abondance de biens, nuit gravement à ce film d'une telle pauvreté, qu'on se demande l'utilité de faire une suite de ce niveau et surtout, comment a-t'il pu avoir droit à une sortie dans nos salles, alors que c'est un DTV en puissance. Il faut surement regarder du côté du succès de The Purge, dont il partage de nombreux points communs : une nuit de violence avec en fond, une critique toute relative de la société américaine. Le modèle Blumhouse fait des envieux, ce qui donne des idées à d'autres sociétés de production de faire de gros bénéfices, en investissant peu. C'est la loi du marché, pour quelques produits digestes, on doit se taper de nombreux navets.


Au cœur de ce navet, on sauve la scène de la piscine, même si l'effroi est plus sonore que visuelle, à cause de Total Eclipse of the Heart par Bonnie Tyler. Mais c'est vraiment peu, pour cette suite médiocre de The Strangers qui, dans le genre, était une réussite. Du coup, on a pas vraiment envie de voir la suite, qui devrait se dérouler, selon toute vraisemblance dans un hôpital, un peu comme Halloween 2. Décidément, Johannes Roberts est obsédé par John Carpenter, cela devient flippant où gênant, voir pathétique.


Cette suite n'était vraiment pas une bonne idée. L'appât du gain était trop fort pour résister à la tentation. On prie pour ne pas subir un troisième volet, surtout qu'on va se l'infliger car le masochisme. Le long-métrage a au moins le mérite d'être en lice pour être élu pire film de l'année, avec Ghostland. Une nomination des plus méritée, toutes mes félicitations.

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le 23 avr. 2018

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Laurent Doe

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