Quand j'ai appris le sujet du prochain film de Eastwood (sur l'attentat déjoué par trois militaires dans un train pour Paris), je me suis demandé comment le bougre allait mettre ce fait divers si court en scène. je n'avais pas encore vu Sully. Maintenant je vois comment il pourrait le faire. Même si je suis sûr qu'il ne répétera pas ce qu'il a fait ici. Mais en tous cas ça me rassure.


L'intrigue est très mince mais bien ficelée. Je ne suis pas amateur de flashback mais ici ça fonctionne bien. Tout d'abord, cela sert à étirer le film, créer un peu de suspense durant l'enquête qui s'avère assez courte. Ensuite, cela permet de mieux se focaliser sur le manque de souvenirs : en proposant de voir le crash une première fois en milieu de film au travers d'une discussion téléphonique, le spectateur peut se mettre à la place du personnage principal qui n'est plus sûr de lui, de ce qui lui est arrivé. Cette structure comporte ses défauts, comme par exemple la succession de simulations à la fin pour conclure sur un flashback complet : c'est un peu redondant, un peu lent, surtout que tout revoir pour seulement peu d'informations en plus a de quoi nuire à la patience du spectateur. Mais en même temps c'est tellement court qu'on ne peut que profiter de cela.


Les personnages ne sont pas très investis, tout ce qui compte pour Eastwood c'est la remise en question du héros, c'est là la seule caractérisation mise en avant. Pour le reste, c'est froid et méthodique. Une froideur renforcée par la mise en scène très sobre. Une froideur qui, paradoxalement, fait au mieux ressortir le côté spectaculaire de l'action (cet amerrissage est tellement plus impressionnant que toutes les scènes d'action de Marvel). Ce type de découpage n'est pas nouveau, c'était surtout un style employé dans les années 70 (j'ai d'ailleurs découvert "I comme Icare..." récemment) mais ça fonctionne toujours aujourd'hui et ça permet à Eastwood de ne pas trop en faire au niveau de l'émotion (juste dommage que sur la fin il se permette un discours un peu plus héroïque). Les angles de vue sont bien pensés aussi, surtout lorsque l'avion passe entre les buildings. Les acteurs font du bon boulot, insufflent ce qu'ils peuvent à leurs personnages aussi courtes soient leurs apparitions, aussi mince soit le développement psychologique.


Et puis je dois dire qu'une chose que j'apprécie au cinéma, c'est lorsqu'un auteur est capable d'étirer un moment. C'est d'ailleurs toute la différence entre "Sully" et "American Sniper", le premier film se focalisant sur un moment donné, le second sur l'entièreté d'une vie ; parler de l'entièreté d'un vie n'a rien d'intéressant car on ne se concentre sur rien, on ne peut rien développer, alors qu'ici, Clint se donne l'occasion d'approfondir une idée du mieux qu'il peut. Et de jouer avec son spectateur aussi, qu'il situe à la place des pilotes (ce qui est un peu expérimental on va dire).


Bref, "Sully" est un chouette film bien foutu, à la fois simple et spectaculaire.

Fatpooper
7
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le 7 mai 2017

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Fatpooper

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