Taxi Téhéran n'est pas un chef d'oeuvre comme on peut le lire dans certaines critiques de presse, et l'Ours d'Or du dernier festival de Berlin ne doit pas son prix à la qualité cinématographique qui en ressort. Cette distinction arbore surtout une dimension politique, et place les projecteurs sur l'immense courage de son réalisateur: Jafar Panahi. Ce dernier, dans le viseur des autorités iraniennes depuis 2010 et son incarcération suite aux manifestations qui ont suivi la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, est condamné à ne plus réaliser de films, à ne plus accorder d’entretiens à la presse étrangère et à ne plus quitter son pays - sous peine de vingt ans d’emprisonnement pour chaque délit.


Panahi, acteur principal de son film, fait mine de s’être recyclé en chauffeur de taxi. La caméra à demi-cachée sur le tableau de bord, tournage clandestin oblige, il accueille tour à tour un homme et une institutrice qui débattent à propos de la peine de mort, un vendeur de DVD posant la question de la culture et surtout de la censure du cinéma en Iran, ou encore sa jeune nièce, au caractère déjà bien affirmé, qui doit réaliser un petit film bien propre et conventionnel pour l'école. La dernière passagère est une amie avocate, et le discours se fait alors beaucoup plus explicite sur la situation politico-culturelle du pays.


Panahi n'a pas déposé la plupart de ses passagers à destination, mais l'essentiel est ailleurs: il dresse le portrait d'une société dynamique ayant soif de culture et d'épanouissement. On ne retiendra pas les maladresses de ce documentaire-fiction, mais plutôt son audace et sa témérité: à l’abri de la censure et de l'oppression, Taxi Téhéran illustre ce dont est capable un cinéaste cerné par les interdits et, pour cela, force le respect.

Créée

le 21 août 2015

Critique lue 319 fois

10 j'aime

3 commentaires

Palatina

Écrit par

Critique lue 319 fois

10
3

D'autres avis sur Taxi Téhéran

Taxi Téhéran
EricDebarnot
3

Laborieux et faux...

Le succès critique quasi unanime de "Taxi Téhéran" est un phénomène stupéfiant, sauf à considérer que la situation politique et personnelle de Panahi dans son pays, évidemment indiscutable,...

le 19 avr. 2015

56 j'aime

22

Taxi Téhéran
yaya-dc
8

Diffusable.

Le regard fixé vers les rues de Téhéran et l'oreille bercée par la musique avant d'être tous deux orientés vers les passagers de ce taxi qui parcourt la ville. De ce taxi ne sortiront ni les caméras...

le 30 mars 2015

41 j'aime

1

Taxi Téhéran
Vivienn
8

Générique

Impossible de parler de Taxi Téhéran sans évoquer son réalisateur, Jafar Panahi. Déjà parce que l’iranien prend un malin plaisir à se mettre lui-même en scène à chaque nouveau long-métrage, mais...

le 7 avr. 2015

28 j'aime

7

Du même critique

The Revenant
Palatina
7

Get Wild and Tough

Dans la profondeur de la forêt résonnait un appel, et chaque fois qu'il l'entendait, mystérieusement excitant et attirant, il se sentait forcé de tourner le dos au feu et à la terre battue qui...

le 13 janv. 2016

47 j'aime

6

Her
Palatina
7

Le cœur à l'épreuve d'une romance informatisée

Un homme. Solitaire. Tendre. Négligemment dépressif. Il est à la fois geek et épistolier talentueux. Théodore (Joaquin Phoenix) manie en effet avec brio les doux mots d'amour, telles que ses rimes...

le 17 janv. 2015

38 j'aime

9

Silence
Palatina
7

La Foi selon Scorsese

On dit qu’aimer, c’est la moitié de croire. « Aimer Dieu » et « croire en Dieu » restent néanmoins deux pans fort distincts, fort distants. Ils se révèlent d’abord être un choix en âme et conscience...

le 10 févr. 2017

34 j'aime

8