Ce film nous présente deux familles japonaises de milieux sociaux extrêmement différents, mais dont les destins vont se trouver intimement liés suite à l'annonce de l'échange de leurs fils à la maternité. Cette idée est développée de façon subtile et approfondie dans cette oeuvre qui propose une réflexion sur la paternité et la filiation. La question posée par le scénario est la suivante : qu'est-ce qui construit la filiation, est-ce le lien du sang ou bien l'expérience de l'éducation?
L'originalité de cette oeuvre réside d'abord dans le fait que le point de vue épousé est surtout celui du père, puisque la mère a vite tranché. Pourtant, il semblerait plus légitime que ce soit elle qui privilégie les liens du sang ou hésite puisque c'est elle qui a porté l'enfant. Quand elle culpabilise de ne pas s'être rendu compte de l'échange immédiatement, cela semble faire écho à une autre culpabilité, celle de ne rien ressentir pour cet enfant qu'elle a pourtant mis au monde.
Et, au-delà de qu'est-ce qu'être parent, et surtout de qu'est-ce qu'être un père, le film pose surtout une question encore plus ambiguë : qu'est-ce qu'être un bon père ? On voit ainsi s'affronter deux visions, deux idéaux de l'éducation. Il y a ce père absent mais persuadé d'être meilleur que les autres, car selon lui l'argent, les leçons de piano, et l'école privée sont ce que l'on peut offrir de mieux à son enfant. Pourtant ce n'est pas un personnage complètement négatif et on sent qu'il aime son fils. C'est qu'il incarne tout un pan de la société japonaise traditionaliste, pour qui les liens du sang et l'hérédité sont essentiels. Et surtout, il souffre du fait que son fils ne lui ressemble pas au niveau du caractère, trouvant alors logique qu'il ne soit pas réellement le sien. Mais ce qui est vraiment logique, c'est que son fils ne risque pas de lui ressembler, puisqu'il n'est jamais là. Et quand la mère dit :"C'est parce qu'il tient de moi", phrase d'autant plus touchante qu'elle est à ce moment au courant que ce n'est pas son fils biologique, elle affirme ce lien maternel fort construit, non pas par le lien du sang, mais par le temps qu'elle a passé avec son enfant. Lien dont est dépourvu le père qui n'est jamais là. Il pensait être un bon père, un père meilleur que les autres, mais il se rend compte qu'il n'en était tout simplement pas un.

C'est donc un film aussi touchant qu'intelligent, et qui possède en plus la qualité de nous immerger dans la société japonaise, à travers le quotidien de ces deux familles si différentes et bouleversantes.
jslomianow
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le 14 janv. 2014

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