The Clown of Wall Street

« The Big Short » est pour moi une bonne surprise de l’année 2015 au cinéma. Je ne m’attendais pas à grand-chose avant d’entamer le film ; force est de constater qu’une fois de plus, les différentes bandes annonce ne lui rendaient pas véritablement justice.

Le sujet du film est à la fois assez austère et très populaire ces dernières années : l’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis en 2008, la crise économique d’ampleur mondiale qui a suivi, et le monde de la finance lui-même constituent toujours des sujets qui suscitent autant de controverse que de fascination auprès du grand public.

Le parti pris par « The Big Short » consiste à se replacer dans le contexte des quelques mois qui précèdent la crise, et de présenter quelques hommes de l’intérieur qui ont, avant tout le monde, pressenti l’imminence de la ruine. Bien que l’enjeu majeur du film réside dans les trois histoires qui s’entrecroisent, portées chacune par des portraits de personnages, il possède également une visée documentaire et offre quelques informations sur les rouages du système ayant causé sa propre chute.

Le monde se divise ensuite en deux catégories. Ceux qui ont fait HEC et les autres.
Appartenant à cette deuxième espèce, j’avoue avoir eu un peu de mal à suivre les explications des personnages sur les arcanes des dérives de Wall Street, à d’autant plus forte raison qu’elles sont parfois assez vite expédiées.

D’un autre côté, je trouve au film de vraies qualités dans sa dimension de "divertissement intelligent". On ne prétend pas faire un documentaire complet sur la crise financière. L’enjeu principal ici consiste à raconter une histoire par le biais d’un ensemble de personnages que l’on suit à différents moments clés. Un véritable effort a été fait pour dépeindre des protagonistes assez variés, aux motivations et à l’éthique différentes. On est ici assez loin de la vision fantasmée des traders assoiffés de coke et d’orgies d’un « Loup de Wall Street ». Au contraire, le film pose les choses de manière assez pragmatique et leur ôte ainsi une bonne dose du "glamour" (très bling-bling, certes…) du film de Scorsese. Ce n’est pas un hasard si le premier bonhomme à réaliser l’ampleur du désastre est un mathématicien un peu caricatural, génie solitaire et timide. Rien à voir avec la débauche outrancière d’un Jordan Belfort !

J’ai trouvé que le film faisait un excellent travail en réussissant à tenir en haleine le spectateur par une histoire intéressante tout en distillant quelques informations utiles, bien que trop lapidaires pour satisfaire un véritable connaisseur. La réalisation est soignée, en particulier au niveau du rythme et de l’enchaînement des scènes : volontairement rapide, le film ne donne cependant pas l’impression "d’aller trop vite". Enfin, chaque acteur est à sa place dans son rôle. Ryan Gosling et Steve Carell, en particulier, sont excellents, surtout lorsqu’ils interagissent. Christian Bale est le seul qui déçoit un peu, car Christian Bale fait du Christian Bale et il faut aimer ça…

« The Big Short » prend le parti d’inclure les anecdotes vécues par un petit groupe de personnage au sein de la "grande" histoire, c’est-à-dire la crise en elle-même. Le film y trouve un bon équilibre, ne délaisse jamais son but premier de divertissement tout livrant des informations permettant de mieux appréhender la réalité des institutions financières qui ont mené à la crise. Il est particulièrement plaisant de n’y trouver nulle trace de manichéisme, les quelques personnages présentés possédant un panel assez large de caractères et de morales. « The Big Short » est un film efficace, bien réalisé, et très intéressant. En 2015, il est rassurant de constater qu’il existe encore quelques œuvres de qualité qui sortent au cinéma.
Bon, après, ce n’est pas spécialement un film qui donne confiance en l’avenir du système boursier…