Né de l'imaginaire endeuillé et désespéré de James O'Barr, The Crow peut être considéré comme l'exutoire de son auteur, le moyen de se reconstruire et d'exprimer sa révolte contre l'injustice qui ravit ceux qui nous sont chers. L'adaptation cinématographique a connu la même gestation, marquée par le malheur, que son aîné de cases et de bulles.
Ce sont des brasiers de la nuit du diable que naissent la souffrance et le désespoir, entre le rouge de la violence et le noir de la nuit. Et le Corbeau, un an après la tragédie, étend ses ailes pour embrasser la ville mortifère et ses assassins. Et quand il revient sur les lieux du crime et du bonheur perdu à tout jamais, les images se bousculent et les souvenirs l'étranglent d'une douleur indicible. Sous le masque blanc et le cuir noir, la vengeance l'anime, ainsi que la volonté de faire taire la souffrance de l'irréparable.
Un par un, ses bourreaux tombent en récoltant ce qu'ils ont lancé au vent de la démence et de la barbarie. Dans une esthétique semblable à la bande desssinée, proche du noir et blanc gothique, le Corbeau évolue en pleine fragmentation plastique, icône romantique, torturé, entre courses poursuites, gunfights, combats à mains nues ou à l'arme blanche. Toujours dans les noirs recoins de la ville en déliquescence, uniquement zébrée de la couleur des explosions ou des souvenirs radieux d'un autre temps.
La couleur naît donc uniquement de ce qui anime le Corbeau : la vengeance et la mélancolie,
jusqu'à un affrontement final en forme de transmission d'un trop plein de souffrances déchirantes et de douleurs infligées par la violence gratuite et l'injustice, comme autant d'éclats effilés d'une vie en morceaux enfoncés dans le coeur.
Et pendant le bref instant d'un baiser, la torture liée à la perte de l'être cher s'apaise, amour que même la mort ne peut détruire. La noirceur se dissipe enfin, instant magique.