Etrange descente aux enfers à l’humour acide, The Double, adapté du roman de Dostoïevsky, dérange et intrigue. Richard Ayoade va au bout de son propos de manière caricaturale… parfois trop.

Le cinéaste se cherche, tirant son inspiration de ses aînés. Il semblait pourtant tenir quelque chose avec Submarine, douce folie aux couleurs fanées, chronique d’une adolescence non-conformiste. Avec The Double, on retrouve les atmosphères dystopiques de Terry Gilliam et les étranges personnages de Jean-Pierre Jeunet alors que le film, visiblement situé dans la deuxième moitié du vingtième siècle, ne contient pas une once de science-fiction. L’essence d’une société futuriste imparfaite hantent pourtant ses sous-sols où s’entassent les bureaux séparés de parois de verre, et où l’individu est privé de son identité propre. C’est ce dernier élément qui régit le récit, et que Richard Ayoade pousse à outrance, titillant nos peurs.

Il faut reconnaître que Jesse Eisenberg (The Social Network, Insaisissables) incarne la dualité, et même l’opposition, à la perfection. C’est peut-être pour cela qu’on en vient à s’agacer de tant de malchance infligée au personnage principal, au profit de son double : Simon James, érigé en victime, subit durant la quasi-totalité du film, frôlant l’insupportable. Tous les autres personnages, y compris les plus malheureux, deviennent persécuteurs de ce personnage faible qu’on souhaite voir se rebeller. Peut-être Richard Ayoade est-il parvenu à ses fins : une dénonciation de la déshumanisation de l’individu si efficace qu’elle en devient douloureuse.

Heureusement, l’acteur de The IT Crowd parsème son oeuvre d’humour, aussi sombre soit-il, et on se surprend à rire des malheurs incongrus de “notre héros”. On retrouve également une effluve de la minutie de Wes Anderson dans des plans millimétrés – sans toutefois atteindre le génie et la richesse de mise en scène de ce dernier. Le cinéaste ne revendique cependant aucune des inspirations citées ci-dessus, préférant citer Orson Welles, Godard, Lynch, Fellini ou encore la peinture d’Edward Hopper. Il faut également noter une bande originale fabuleuse, empruntée en grande partie au Japon, créant le contraste entre la fraîcheur du son et l’ambiance glauque des longs couloirs mal éclairés.

Qui que soient ses maîtres, le surprenant réalisateur provoque une vive envie de suivre son parcours, livrant des oeuvres inégales mais toujours intéressantes. Troublant ou irritant, The Double divise et ne laisse certainement pas indifférent.
Filmosaure
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le 24 août 2014

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