La notion de double est éminemment délicate à manipuler.
Associez-la à celle de faute en tennis et vous offrez directement un point à votre adversaire.
Associez-la à une dose, dans le domaine des poisons, et vous obtenez quelque chose de forcément létal.
Avec une peine et c’est de l’injustice pur jus.
Avec un tour et la porte semble condamnée.
Avec une file, vous emmerdez le reste des automobilistes.
Même les sujets plus larges sont sensibles: doublez la vie et il faudra jongler avec les emplois du temps et les mensonges, doublez le sens et vous perdrez une partie de votre auditoire en route.
Bref, vous avez saisi le degré de précaution nécessaire pour aborder le thème du double.

Ici, à la première lecture du sujet du film, on se dit chouette ! Point de départ très classique, utilisé depuis plus deux siècles jusque dans la littérature, voyons quelle variation nous sera servie ici.
Et c’est un des problèmes du film que de n’aller nulle part ailleurs que coincé dans son principe, absolument basique.

Plonger son sujet dans un univers absurde n’arrange rien. Après cinq premières minutes un peu gênantes dont on attend une conclusion rapide (bon le type fait un cauchemar, il va se réveiller), on est obligé de se rendre à l’évidence: ce sera jusqu’au bout dans cette veine, sans aucune justification. L’impression de se trouver devant le travail d’un étudiant en cinéma en fin de cycle qui aurait eu la bonne idée de mixer Terry Gillian (pour Brazil, évident) et Dostoievski.
Sauf que, à l’instar d’un triste Quentin Dupieux, Richard Ayoade confond non-sens (génialement porté par des types comme les Monty Python) et le pas-de-sens.

Reste l’énigme Jesse Eisenberg. Capable d’être monolithiquement amorphe comme monolithiquement exubérant, ce film ne nous aidera pas à trancher entre le génie absolu et la tanche intergalactique qu’il semble pouvoir tour à tour incarner. En tout cas, faire carrière avec une telle tête-à-claque constitue une belle leçon d’espoir pour l’armée de tête-à-claques que nous sommes.

Co-écrit par le frère d’Harmony Korine, le film entasse des références mal digérées ensevelies sous une esthétique de clips des années 80 (la scène de l’enterrement, affreuse) à base de néons et de machines à fumée secoués dans tous les sens, dans un salmigondis scénaristique qui provoque une torpeur anesthésique progressive. On se perd, on s’embrouille, on s’en fout.

Comme pour le reste, quand on s’attend à un truc plutôt bien foutu et intéressant, la déception elle-même peut être doublée. Pardonnez-moi si je préfère me consacrer à des œuvres plus réussies sur le sujet:
http://www.senscritique.com/livre/Madame_Double/50530#

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le 4 janv. 2015

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guyness

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