Cet homme va trop loin. Nicolas Winding Refn va trop loin et je pense que le cinéma actuel n'est pas encore prêt pour ce qu'il propose. Cet homme va trop loin parce qu'il est un surdoué, un génie, un des réalisateurs les plus intelligents et les plus minutieux de tous les temps, à seulement 45 ans. Nicolas Winding Refn va beaucoup trop loin pour ne pas semer les autres en chemin. Ce ne sont plus seulement des films, c'est de l'art, de l'art sensoriel purement et simplement. Un art qui explose dans le cœur du spectateur, un art brut, si brut qu'il est totalement inimaginable de penser qu'il puisse le travailler autant, le peaufiner autant, le penser autant. Et pourtant. Et pourtant, à la manière d'un Lynch, l'oeuvre démente proposée est travaillée à son paroxysme. The Neon Demon est sûrement son film le plus abouti, par rapport aux nuances émotionnelles qui détalent dans son cerveau génial.


The Neon Demon est un film sur les transitions. Le cinéma de Refn est un cinéma sur les transitions. J'en ai déjà parlé sur ce site, mais ici ça saute aux yeux. Tellement. Son dada, ce n'est pas tant l'état final ou l'état initial de ses personnages. Il aime les faire souffrir, les faire espérer, désespérer, les faire ressentir à travers tous les pores de son cinéma. Je connais des réalisateurs qui filment des visages et laissent le spectateur se bercer de l'émotion qu'ils suscitent. Je connais des réalisateurs qui filment une certaine idée de la nature pour toucher le spectateur au plus profond de lui-même. C'est louable, et j'aime ce cinéma. Mais Refn part de rien et crée tout. De la musique à l'image, des intérieurs radieux aux âmes en fusion, de la maîtrise du temps à la déstructure des corps embrochés par le chaos des désillusions, des néons éblouissants aux plus pénétrants dans cette si envoûtante pénombre symbolique...


Refn a raison de faire un peu le malin. De mettre son nom cinquante fois au générique, au pré-générique, même avant le titre du film. De jouer sur les flous, beaucoup, de choquer un peu son public avec des scènes dures mais tellement parlantes (la nécro, superbe, après avoir été repoussée par le fantasme absolu de son existence, après le symbole de la vie, celle qui allait la faire exister, elle choisit la mort, la déchéance, elle fait l'amour à son reflet déchu, peut-être même est-elle déjà l'image qu'elle voit de Elle Fanning, quelques minutes avant sa mort) Refn a raison de garder ses bo lunaires, ses personnages perchés et sa si grande force métaphorique et mystique. J'ai été subjugué par cette fin à la Poe, où l'une des mannequins ne peut plus retenir en elle l'objet de ses envies macabres, elle la sent partout en elle, autour d'elle, tel Le coeur révélateur, enfoui sous le plancher, dans les murs. On ne chasse jamais le mal, ou presque. Ce film raconte, par le biais d'une Elle Fanning déstabilisante de justesse (notamment dans la seconde partie du film, sa capacité à transformer son visage durant de longs plans est une vraie grande performance), le feu sacré qui illumine l'intérieur de chacun de nous. Cette flamme, sous différents aspects, que l'on cherche tant à apprivoiser. que l'on cherche à maîtriser, à comprendre. A en être fier et vivant. C'est un peu ça, le cinéma de Refn. La vie y est à l'image de la lumière, aveuglante, infinie. Refn nous montre, à travers sa filmographie, toute la puissance du désir et l'insatiable pulsion qu'est la vie. The Neon Demon est un des chemins pour y parvenir.


Chef d'oeuvre absolu.

EvyNadler

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