L'homme qui a vu l'ours

La vengeance est un plat qui se mange très froid depuis Le Comte de Monte-Cristo et nourrit le cinéma depuis des lustres. The Revenant en est une illustration de plus, loin de Dumas, bien entendu, mais l'esprit est là. Antithèse absolue de Birdman, le film d'Alejandro González Iñárritu est un pré-western, à savoir un récit d'avant le début de la civilisation dans les terres d'Amérique, un lieu de sauvagerie extrême parmi les hommes, dans un habitat naturel somptueux. Dans cette épopée au scénario somme toute basique, le cinéaste sublime le film d'aventures, avec un sens du grandiose que ne manqueront pas de lui reprocher certains exégètes qui réclameraient davantage de fond. Là ne réside pas le propos du réalisateur dont la maîtrise et le brio peuvent parfois apparaître arrogants. Ces 2 heures 30 de souffrances physiques avec le héros de The Revenant ne sont pas de tout repos et il ne faut pas en attendre une quelconque émotion. Film de survie, The Revenant est une oeuvre "primitive" poussée à la limite et agrémentée de notations mystiques et panthéistes (de quoi faire enrager les "certains" évoqués plus haut). La photo de Lubezki est fantastique, la musique de Sakamoto magnifique et l'interprétation de DiCaprio (alors, cet Oscar ?) ébouriffante de même que celle de Tom Hardy qu'il ne faudrait pas oublier. Que demander de plus ? Une histoire plus profonde que celle de l'homme qui a vu l'ours et n'en est pas revenu (ou si, justement) ? Mais il y a beaucoup de films qui sortent cette semaine et qui répondent à cette définition : L'histoire du géant timide, Aurora, Nahid, Tempête. Tous de qualité, mais pour être honnête, aucun qui se place au même niveau que The Revenant, sur le plan de l'ambition pour un cinéma spectaculaire, viscéral et virtuose.