Un couple (Olga Kurylenko et Kevin Janssens) emménage dans la maison qu'ils viennent de s'offrir et y découvrent une pièce qui exauce tous les souhaits. A condition de rester confinés à l'intérieur. Métaphore de l'actualité ? Non, navet sans saveur, c'est tout.


Choisir le même titre que le turbo-nanar de Tommy Wiseau avait sans doute quelque chose de prémonitoire. Mais si The Room version Christian Volckman imite son homonyme et signe un ratage complet, lui n'a même pas le bon goût d'être une de ces plantades savoureuses ou sympathiques, sauvées par leur dimension nanardesque. Non, The Room échoue tristement, sans laisser ni trace ni saveur. Autopsie d'un échec.


C'est donc à un énième high concept de festival auquel on a affaire ici (passé par Gérardmer notamment). Concept qui est le suivant : la chambre assouvit tous les désirs, à condition de ne jamais quitter la maison, auquel cas les objets matérialisés vieillissent en accéléré et finissent par partir en cendres. Rien de révolutionnaire, le film emprunte d'ailleurs des chemins attendus : les personnages vivent dans le premier acte leurs meilleures vies, demandent de l'argent, des vêtements de luxe, des tableaux de maîtres. Bref, prouvent la totale superficialité de leurs désirs, et donc celle du récit jusque-là.


Néanmoins cette partie est vite expédiée car subitement, le métrage change de sujet. On apprend qu'au fond ce que Kate, la femme, désire le plus au monde, c'est un enfant. Et, persuadée qu'elle n'arrivera pas à mettre au monde, elle finit par demander un bébé à la Chambre. Opérant de ce fait une inflexion dans le récit : le désir matériel n'est plus vraiment le problème, cela devient la maternité : c'est quoi être parent, jusqu'où peut-on aller pour l'être, sachant que l'existence de cet enfant cesse une fois franchi le pallier de la maison ? Pourquoi pas, mais encore faudrait-il, pour que ce thème soit intéressant, que l'on croit à ce furieux et inarrêtable désir d'être mère de l'héroïne. Or au-delà de la partition douteuse d'Olga Kurylenko, son état d'âme arrive comme un cheveu sur la soupe. Pire, le film nous a montré l'exact inverse puisque, dès qu'elle a compris le fonctionnement de la Chambre, Kate a demandé… de l'argent. Puis des bijoux, du caviar. Comment croire à cette fièvre maternelle, alors qu'il s'agit littéralement de la dernière chose à laquelle elle a pensé lorsqu'on lui a filé cette lampe d'Aladdin du pauvre ?


Pas le temps, le métrage continue et… les règles changent à nouveau. Le héros découvre que toute création de la Chambre peut vivre en dehors de la maison si son créateur disparaît. Autrement dit, le bébé - devenu entre temps enfant puis adolescent - pourra vivre à l'extérieur, à condition que Kate meurt. Exit la maternité ambigue, maintenant on verse dans le survival : l'enfant devient donc un danger (puisque s'il apprend cette règle, il cherchera sans doute à s'émanciper de ses "parents" en les tuant, pour s'offrir la liberté du monde extérieur). Et voilà que le film veut nous embarquer dans une réflexion complètement bancale, justifiée par un quote-dropping de Nietzsche à deux balles, sur qu'est-ce qu'être un être vivant, qu'est-ce qu'être une création et au fond qu'est-ce qu'être Dieu. Rien que ça, oui. Tellement rien derrière, surtout. The Room multiplie les concepts, sans avoir ni les moyens ni l'ambition de les exploiter : entre les ratés du script et la tristesse abyssale du décor, qui renforce le côté tristoune de l'ensemble, on s'ennuie ferme devant les vaines tentatives de redonner un coup de cardio à la pellicule.


Il voudrait être tout cela mais ce n'est ni une réflexion intéressante sur le désir, ni un essai intriguant sur la maternité à tout prix, ni même un bon thriller/survival. Aucune angoisse, aucune implication, que de la fadeur. Et la tristesse de voir les acteurs patauger sans convaincre dans un décor vide et grisouille. Sur un sujet cousin, préférez mille fois Vivarium - autre high concept, autre sélection à Gérardmer, mais vrai plaisir.

Cyprien_Caddeo
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top Films 2020, une liste qui n'aurait pas dû ressembler à ça

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le 15 mai 2020

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Cyprien Caddeo

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