Pascal Laugier est très fort pour orchestrer des huis clos dans lesquels la cruauté est un moyen pour la femme qui la subit de surmonter un traumatisme – sa plus belle réussite restant, à ce jour, Ghostland – et donc de s’émanciper. Ses films sont viscéraux, brutaux et sans concession, parfois proches du torture porn dont ils empruntent certains codes.
Le problème avec The Tall Man, au regard de la petite filmographie du réalisateur, réside dans son incapacité à traiter avec simplicité la question qu’il se pose et pose à son spectateur : peut-on penser l’enlèvement d’enfants comme un bienfait ? Laugier, comme terrifié par sa question, convaincu également de l’impertinence de son geste et donc soucieux d’en garder le mystère, la brouille par des ellipses, des révélations dramatiques à foison qui déconstruisent ce qui vient d’être mis en place, jusqu’à noyer son propos sous des torrents d’artifices. La clausule paraît brouillonne, tirée par les cheveux, mal fichue ; et le chemin sinueux emprunté pour y arriver semble incongru, grossier et invraisemblable.
Il y a une surcharge de tout : trop de violence, trop de thriller paranoïaque, trop de retournements de situation, trop de musiques, trop de non-dits. Nous atteignons rapidement un point de non-retour au-delà duquel le scénario nous échappe, cesse de nous intriguer pour agacer ; et quand vient la lumière, quand nous comprenons enfin tenants et aboutissants, une autre question surgit : fallait-il tordre à ce point le récit pour dire ce qui est dit ? fallait-il se montrer si lourdingue dans les symboles ? Le film aurait dû épouser la forme du raptus, de ce ravissement entendu dans les deux sens d’enlèvement brutal et d’élévation sublime. En lieu et place, une démonstration sociétale fardée qui exhibe ses formes aguicheuses derrière cette grande vitrine du style qu’est l’image de cinéma.