Le problème, avec des films tels qu’« Under the Silver Lake », c’est que l’on y retrouve toute une kyrielle de références allant à l’encontre de la singularité du long-métrage. Dans le cas de David Robert Mitchell, une fois n’est pas coutume. Si « It Follows » se targuait déjà d’un cachet carpenterien, « Under the Silver Lake » se tisse à la manière d’un cahin-caha cérébrale où l’on retrouve aussi bien l’apparente grossièreté de « Body Double » que l’intrigue rêveuse et intériorisée d’un « Mulholland Drive ». Cependant, chez Mitchell, cette obsession d’un cinéma passé semble trompeuse, voire même assez fourbe. À ce titre, « Under the Silver Lake » assume une bizarrerie qui n’est pas sans faire penser aux courts-métrages de Maya Deren (notamment « Meshes of the Afternoon »), auteur surréaliste et pierre angulaire du cinéma expérimental. Et c’est en s’enfermant dans cette bulle d’inspirations que le film finit par perdre de son potentiel merveilleux.
Et ici, il y en avait du potentiel. Quels secrets se trouvent « sous le lac d’argent » ? Dans ce monde, le réel semble si insatisfaisant qu’il renferme forcément une volonté obscure. C’est indéniable, « Under the Silver Lake » nous énerve, comme si il était d’emblée pourri de l’intérieur. Un tueur de chiens, une infantilisation quasi permanente, des filles qui disparaissent, des complots… Toutes ces intrigues tissent une œuvre que l’on qualifierait volontiers comme étant capricieuse. Cependant, il serait trop facile de laisser Mitchell nous horripiler si commodément.
En épousant le point de vue de son personnage principal, « Under the Silver Lake » nous entraine dans son empire intérieur. Nous entrons dans ses cauchemars, dans ses fantaisies, regardons les mêmes fesses que lui, et l’écoutons suivre sa quête de la vérité dans un monde artificiel. Au fond, c’est sans doute la grande thématique d’« Under the Silver Lake » : comme une forme de paranoïa, le film nous immerge dans notre besoin de trouver le mystère derrière les barreaux du rationnel. Mais, à travers les marionnettes constituant son intrigue, David Robert Mitchell donne justement raison à ce personnage abracadabrant en donnant une signification unique à chaque symbole. Ainsi, en se mettant à nu de manière parfois totalement absurde, « Under the Silver Lake » nous prive de nos interrogations, et se prive lui-même de sa singularité. Certes, c’est gentil de gâter ainsi son spectateur, mais au lieu de se suggérer à lui-même, le film finit par se réduire à ses extravagances et son hétérogénéité.
In fine, « Under the Silver Lake » est à l’image de Sam : libidineux. Ici, tout résonne à la manière d’une entreprise masturbatoire se vidant sans fantasmes. Et finalement, tout cela pour parler de quoi ? Tout simplement du besoin d’aimer et d’être aimé. Et cela se fait à travers deux figures : celle du clochard, être exclu du monde de l’affection, et le chien, le fantôme choyé. Ces deux pôles partagent pourtant un point commun : la société les déresponsabilise, et les instrumentalise. Et sous la surface, Sam semble désorienté par le silence de ses représentations. C’est très joli, mais le problème, c’est qu’à ce moment là, notre curiosité est déjà érodée. Et si la pop-culture alimente la névrose, David Robert Mitchell devrait tout de même se rendre compte qu’une passion pour le cinéma ne fait pas un film. L’impuissance est douce-amère.
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