Un film qui a tout pour plaire, mais qui nous ennuie quand même un peu, il faut bien le dire

Une grande fille suit le destin de deux femmes ayant survécu à la guerre et qui tentent de redonner du sens à ce qu'elles font et ce qu'elles sont. Elles doivent toutes les deux surmonter les séquelles de la guerre. La première, Iya, fait des crises d'angoisse ou de paralysie à vous asseoir au fond de votre siège ; et l'autre, Masha, plus vive d'esprit et plus dynamique que la première, n'arrive pas à accepter qu'elle n'aura jamais d'enfant. En effet, elle s'est prostituée pendant la guerre pour obtenir les bonnes faveur des généraux et survivre plus facilement, mais l'avortement qui découla d'une telle période ne lui laissa aucune chance de donner la vie.


Le film se déroule dans un hôpital de gueules cassées et son ambiance s'en inscrit encore plus dans une tragédie d'après-guerre, à l'atmosphère lourde et pesante.
Et c'est là que l'on voit tout l'enjeu du film : témoigner de la tragédie de la guerre en traitant l'après-guerre, traiter le point de vue des femmes qui, comme dans tous les domaines, semblent tomber dans l'oubli. En plus d'être ambitieuse, cette oeuvre est portée par deux actrices qui parviennent à faire subir à leurs personnages les scènes les plus dures, très justement, et sans tomber dans le dramatique ; et par un réalisateur à la caméra fine capable de nous plonger dans de longs moments d'anxiété comme la scène du meurtre de l'enfant (est-ce bien un meurtre ?) ou celle du viol (est-ce bien un viol ?).


Et pourtant, malgré tout cela, on s'ennuie.


On s'ennuie parce que l'ambiance est très lourde et le scénario peu rythmé. Le film affiche quelques longueurs dont on se serait bien passé, et qui nous sortent un peu d'une histoire pesante dont on ne sait pas très bien si l'on a envie de s'y replonger.
On s'ennuie peut-être aussi parce qu'au fond, on n'arrive pas à s'identifier à ces personnages-là. On éprouve de la compassion pour eux, non pas pour ce qu'ils sont, mais parce qu'en tant qu'humain, on compatit à la vision de la souffrance. Il n'y a rien de personnel, d'intime dans cette compassion. Certes, on ne s'identifie ni ne compatit intimement avec les héros des films de guerre, mais ils nous servent de l'action, des péripéties, du danger, et ils sont au service d'un scénario rythmé qui manque à Une Grande Fille.


Ce film reste une réussite cinématographique, avec notamment un jeu d'actrices époustouflant et une mise en scène bien pensée. Il convient également de saluer les décors et la lumière, qui ajoutent à l'atmosphère pesante du film. Mais on ne peut pas ne pas souligner l'ennui et le manque de rythme qui font qu'Une Grande Fille fait peut-être moins bien passer le message que son réalisateur ne l'aurait souhaité.


Sergent Pepper, qui attribue 8/10 à Une Grande Fille, admet que la lenteur du film peut être pesante :


"On peut opposer à la radicalité de l’œuvre un rejet qui serait presque de salubrité publique : une telle noirceur, un besoin si systématique d’infuser la morbidité dans chacune des thématiques (la maternité, la grossesse, la sensualité, l’amour lui-même), associée à une lenteur assez poseuse, presque perverse dans sa façon de contempler la douleur et ses ravages."

Paulissimo
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le 14 août 2019

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