Jean-Stéphane Sauvaire n’est pas un novice des univers violents et radicaux. Fort d’une expérience d’assistant réalisateur du milieu des années 1990 jusqu’en 2010, on doit au cinéaste français le film Johny Mad Dog, récit brutal d’enfants soldats africains qu’il avait lui-même écrit et co-produit, avec Matthieu Kassovitz, et qui avait obtenu le Prix de l’Espoir en 2008 à Un Certain Regard. Avec Une Prière avant l’Aube, il revient à la réalisation neuf ans après son dernier long-métrage. Sans doute attiré par les univers bestiaux où la violence est une nécessité pour survivre, il pose cette fois-ci sa caméra dans une prison thaïlandaise et y raconte la véritable histoire de Billy Moore, un boxeur britannique condamné pour consommation de drogues qui sera prêt à tout pour survivre dans cet environnement hostile et primitif.



Présenté en Séance de Minuit au Festival de Cannes 2017, l'uppercut de la Croisette trouve enfin le chemin des salles hexagonales. A défaut d'innover, Une Prière avant l'Aube a les qualités du film ultra-réalistes et le mérite de faire très mal.



S’il est impossible de ne pas penser à Midnight Express au vu des premières minutes, Une Prière avant l’Aube trouve son originalité dans ce croisement entre le film de genre carcéral et le film de boxe, à ceci près qu’il s’agit de boxe thaïlandaise, aussi appelée Muay-Thaï, véritable religion du pays. On retrouve donc les codes de ces deux genres, soit la virilité omniprésente, les guerres d’ego bestiaux des prisonniers et les inévitables scènes de viol et de suicide pour le genre carcéral, sans oublier le schéma narratif courant à savoir l’entraînement intensif, la solidarité des combattants, l’entraîneur qui refuse puis accepte le nouvel arrivant et l’ascension croissante. A défaut d’être original donc, Jean-Stéphane Sauvaire fait preuve de maîtrise dans l’immersion au coeur des prisons thaïlandaises, adoptant par moment une véritable démarche documentaire sur les conditions des détenus, incarnés par des acteurs non professionnels locaux. Le film est entièrement porté par la force brute, la gueule cassée et la carrure de Joe Cole (dont le rôle était initialement proposé à Charlie Hunnam) qui explose l’écran et que les amateurs de Peaky Blinders reconnaîtront sans mal. Comme le sujet de son récit, Joe Cole est un intrus parmi tous ces acteurs professionnels et dans un pays où il n’est pas le plus bienvenu, c’est ce qui apporte une dimension isolatrice intéressante pour comprendre le personnage. La caméra collée à son personnage principal met en exergue toute la rage contenue prête à exploser à tout instant dans cet environnement vénéneux. A noter que l’on retrouve Vithaya Pansringarm au casting, remarqué pour son rôle de policier divinisé dans Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, qui mettait déjà en avant les clubs de boxe thaï.


Si la confusion déroute dans les premières séquences de combat, celles-ci s’avèrent plus immersives dès lors que le récit avance. Elles se font plus brutales, et l’on sent la douleur, le sang et la sueur émanant de ces plans-séquences musclés. Pour autant le film reste très brouillon dans sa narration et semble s’étaler sur plusieurs sous-intrigues. Billy Moore est tiraillé de toutes parts, entre une relation avec un ladyboy, des dettes à devoir à d’autres détenus et le risque de perdre la vie à cause d’une hernie. Il y avait donc là des arcs narratifs intéressants mais que le cinéaste français ne fait que malheureusement effleurer. Une Prière avant l’Aube souffre donc de son intention première, à savoir suivre linéairement le parcours de Billy Moore en prison sans lui apporter une véritable humanité. Il se bat, s’effondre, se relève et s’entraîne jusqu’à son combat final. S’il faut déjà un certain talent pour maîtriser ses scènes, il est dommage que le réalisateur n’ait pas cherché à les développer un peu plus, à l’instar des efficaces Dog Pound ou Les Poings contre les Murs dans le même genre. Reste malgré tout un film viscéral et intense qui ne laissera pas indifférent.

Créée

le 10 juin 2018

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Kévin List

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