Voyons les choses du bon côté: ce ne sont pas les Américains qui l'ont raté

Je préfère vous prévenir tout de suite: mon avis sur Valerian and the City of a Thousand Planets, le film de Luc Besson tiré des aventures de Valérian et Laureline, est mitigé. Par « mitigé », j’entends qu’il y a du bon et du moins bon et que, souvent, même dans le très bon, il y a du mauvais, et réciproquement. Ce « mitigé » n’est donc pas un euphémisme pour « toupourri ». Mais ça a failli.


Je suis allé le voir en essayant d’avoir aussi peu de préjugés que possible – ne rêvons pas, je devais quand même en avoir – et j’ai passé somme toute un moment agréable, même s’il y a eu des grincements de dents (atténués par le pop-corn). C’est un de ces films qu’on regarde avec plaisir, mais qui, en sortant de la salle, vous rattrape pour vous tabasser avec ses défauts.


Soyons honnête: j’ai vu pire. Bien pire.


En théorie, le résumé du film c’est « Valérian et Laureline, agents terriens, enquête sur la disparition d’un dirigeant sur Point Alpha, la station spatiale où toutes les races intelligentes de l’espace connu se rencontrent ». Sauf que la construction du film est suffisamment bancale pour qu’il faille bien une heure pour qu’on s’en rende compte.


En fait, de mon point de vue le gros défaut du film, c’est ça: il est monté avec les coudes, avec une blinde de scènes qui ne servent à rien et qui auraient pu être réglées avec des flashbacks de trente secondes au lieu de cinq minutes d’exposition chiante. Là où The Fifth Element gérait le rythme presque à la perfection, Valerian passe complètement à côté.


Il y a aussi une blinde de scènes qui ne servent à rien d’autres qu’à montrer la diversité de l’univers, mais elles sont rigolotes, alors ça va. Show, don’t tell. Le problème majeur, c’est que le film commence sur une très longue scène qui ne sert à rien et qui ressemble à une pub pour poupées avec des couleurs qui donnent envie de vomir des licornes. Idéal pour ne jamais rentrer dans le film.


Le deuxième gros défaut c’est que si Laureline (Carla Delevigne) est raisonnablement crédible en personnage badass, futée et avec un caractère bien trempé, l’acteur qui joue Valérian, Dane DeHaan, réussit l’exploit de faire passer le héros du film pour un gros lourd, pas subtil pour deux sous et obsédé sexuel. Ce n’est pas entièrement sa faute, cela dit.


Alors je veux bien admettre que, sur ce point, il y a « l’effet fanboy » qui joue. Quand on a, comme moi, baigné dans l’univers de la BD Valérian et Laureline depuis pas loin de quarante ans, le fait de passer à un personnage dans la trentaine, voire plus, agent expérimenté, pas forcément très doué, mais versatile, à un gamin tombeur et bourrin, ça marque un peu.


Hormis le côté « trahison », qui ne concerne que les fans, ça change aussi la dynamique du duo. Je peux comprendre que la différence d’âge peut choquer un certain public (encore qu’en théorie, dans n’importe quelle organisation et plus encore dans une armée, les relations intimes entre supérieur et subordonné sont interdites), mais on aurait pu jouer sur la différence de style entre un agent réfléchi et posé et un autre plus têtu et qui s’assoit sur le règlement.


Ça, ce sont les deux gros aspects négatifs du film. Du coup, il y a quoi en positif? Principalement un univers foisonnant qui est somme toute plutôt bien rendu. Il y a deux-trois idées brillantes, comme le Grand Marché multidimensionnel ou l’impressionnant numéro de Rihanna en danseuse métamorphe – personnage honteusement sous-exploité, d’ailleurs.


Il y a aussi quelques gros ratages, comme les uniformes terriens, qui ressemblent à un cosplay cheap officier nord-coréen (rien qu’à regarder la texture du tissu, on a envie de se gratter). On se demande aussi pourquoi les militaires du début ont des armes qui ressemblent à des fusils d’assaut du début du XXIe siècle alors qu’on est censé être en 2740.


On reste dans le style graphique du Fifth Element – ce qui n’est pas étonnant, vu que Mézières y a également participé – avec une foule d’extra-terrestres tous plus bizarres les uns que les autres. Mention spéciale pour les Shingouz, rebaptisés Doghan-Dagui, qui auraient cependant être plus utilisés.


Le scénario, qui reprend en partie celui de L’Ambassadeur des Ombres, n’est pas mauvais en soi, mais il souffre beaucoup du montage raté et des scènes d’expositions trop nombreuses, qui l’alourdissent en le rendant bien plus stupide qu’il ne l’est. On a l’impression de voir un exemple de design by committee ou d’un passage au crétiniseur. Ou les deux.


J’en reviens à mon premier qualificatif pour ce film: « mitigé ». Valerian and the City of a Thousand Planets n’est pas un mauvais film, mais par certains côtés, il est raté, ce qui est presque pire. Disons les choses ainsi: il y a dans ce film du bon, du moyen et du médiocre. Le bon est très bon, le médiocre très médiocre et le moyen complètement oubliable. Je ne suis pas certain que l’ensemble en fasse un bon film, ou même un film moyen.


Du coup, dois-je vous le recommander? D’un côté, c’est rare de voir de la SF française à grand spectacle. Mézières et Christin, les auteurs de la BD – qui affirment l’avoir bien aimé – disaient que s’il avait été fait par des Américains, il aurait été massacré. Je veux bien le croire, mais en l’état, le résultat signé Besson ne me paraît pas beaucoup plus enthousiasmant.


De l’autre, payer le prix d’une place de cinéma pour voir un film qui inspire plus de mouaibof que de wouah!, ça fait cher l’exception culturelle. D’autant que Luc Besson n’est pas exactement le réalisateur le plus sympathique de la Francophonie – et sur ce coup, il a encore réussi à se fâcher avec les créateurs avec son concours « chara design gratuit »


Je dirais que si vous avez une carte ciné à forfait, vous pouvez toujours y aller; ça ne sera pas plus cher et les scènes qui pètent sur grand écran, eh bien elles pètent bien. Sinon, attendez la diffusion TV ou le bac à soldes.


Article précédemment publié sur alias.erdorin.org

SGallay
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le 24 août 2017

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