conte naïf et pudique des temps modernes

Après l’immense succès de La Famille Bélier dont elle était co-scénariste, Victoria Bedos renouvelle l’exercice dans un long métrage largement autobiographique, au point de porter son nom : VICKY. C’est Denis Imbert, son partenaire de plume, qui a eu l’idée de mettre en scène la vie et le parcours de cette dernière et de se lancer pour la première fois dans la réalisation. Eu égard à la famille dont est issue Victoria Bedos on imagine aisément la difficulté d’exister et de se faire une place entre un père humoriste largement reconnu, un frère dont le succès n’est plus à démontrer en tant qu’auteur, acteur, chroniqueur, etc…et une mère mannequin. On se réjouit donc à l’idée de découvrir la façon dont cette jeune femme a su s’émanciper, se révéler à elle-même et accéder à une certaine reconnaissance dans un domaine qui lui est propre, le tout avec une forte dose d’humour et d’autodérision. L’idée est intéressante et attractive, qu’en est-il du résultat ?


VICKY nous conte l’histoire de Victoire Bonhomme (Victoria Bedos), petite fille sage et exemplaire de 30 ans coincée entre un père égocentrique et conservateur (François Berléand), un frère imbuvable (Jonathan Cohen) et une mère bien plus ouverte et moderne mais résignée (Chantal Lauby). Grâce à sa rencontre avec Banjo (Olivier Urvoy de Closmadeuc, qui est également son partenaire à la scène dans la réalité), Victoire va s’ouvrir au monde, créer un groupe déjanté du nom de Vicky Banjo, aux chansons qui le sont tout autant et se libérer du carcan de cette famille si pesante pour enfin devenir une femme.


L’image de la femme dans la société, l’émancipation, la pression du succès familial, le frein de l’image de soi renvoyée par les hommes de la famille, le maternage à outrance, sont autant de questions traitées en filigrane dans VICKY. L’humour et la distance par rapport aux faits vécus aurait pu susciter une immense empathie chez le spectateur à condition de se livrer avec sincérité à l’exercice. On ne peut pas proposer un film autobiographique sans étaler ses états d’âmes et certains détails de son existence au quotidien dans une telle famille. Malheureusement, ce n’est que physiquement que Victoria Bedos se met vraiment à nu. Et aussi esthétique que son corps puisse être, la pudeur qui voile le récit empêche toute émotion d’éclore. Pour maquiller une réalité qui pourrait blesser (notamment sa famille), la caricature est poussée sur le ton de l’humour au point d’en perdre toute finesse, et c’est bien dommage.


De nombreuses répliques sont bien écrites, elles font parfois sourire et auraient pu toucher mais elles ne vont jamais au fond des choses. Rien n’éclate vraiment. La métamorphose a eu lieu, c’est évident, mais sans que l’on prenne conscience ou connaissance des étapes qui l’ont permise. Au final, il n’y a donc pas véritablement d’action mais une succession de scènes de la vie de Victoire qui s’enchaînent sans autre explications que celles d’une voix off au discours aussi niais que cette dernière. Inutile de dire que cela engendre un ennui certain. La bande originale et les chansons, écrites et interprétées par le duo Vicky Banjo ont beau être amusantes et sympathiques, cela reste insuffisant.



« VICKY portait la promesse d’un récit autobiographique emprunt d’humour, mais d’un parcours initiatique visant à se libérer psychologiquement d’un carcan familial pesant ne résulte finalement qu’un récit naïf qui survole les problématiques en ne les abordant que par de banals clichés »



Enfin, outre la platitude décevante des dialogues et du scénario, le manque de crédibilité totale dû aux caricatures en tous genres finit de nous achever. Tout est tellement poussé à l’extrême, à commencer par la naïveté de Victoire, jusqu’à la goujaterie de son frère, en passant par le narcissisme de son père, que cela ruine toute volonté d’authenticité qui aurait seule pu nous émouvoir. Le rôle de la mère était pourtant parfait – autant que Chantal Lauby dans son interprétation. De même que Benjamin Biolay en rock star flegmatique et hautaine était une riche idée. Et Victoria Bedos est réellement attendrissante. Mais quelques vulgarités disséminées ici et là, et deux ou trois scènes dénudées ne compensent pas le côté très « nunuche » et pas toujours cohérent du film et de son personnage principal.


VICKY portait la promesse d’un récit autobiographique emprunt d’humour, mais d’un parcours initiatique visant à se libérer psychologiquement d’un carcan familial pesant ne résulte finalement qu’un récit naïf qui survole les problématiques en ne les abordant que par de banals clichés. A ne pas vouloir aborder franchement les sentiments de leurs protagonistes, Victoria Bedos et Denis Imbert ne parviennent pas à capter notre attention et la métamorphose de cette chenille en papillon qui aurait pu être bouleversante nous laisse pour le moins indifférents.


Par Stéphanie, pour Le Blog du Cinéma

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le 7 juin 2016

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