Prenez garde, cette critique contient moult spoilage à ne pas mettre devant tous les yeux.


Ce film était mal barré dès le départ. Entre une production troublée par le lent effondrement du DCEU, une sortie malmenée par le Covid, une Gal Gadot qu'on sent peu concernée, des effets spéciaux aux fraises, des implications malheureuses dans tous les sens et Geoff Johns au scénario, les dieux d'Hollywood semblent s'être unis contre le second long-métrage de l'Amazone.
Déjà, la vague nostalgique des années 80/90 sur laquelle il surfait, à l'imitation de tant d'autres oeuvres des six dernières années, est en train de s'épuiser. Après une demi décennie de lunettes roses où on reconstruisait un passé flashy et outrageusement popculturé (qui sera, ironie du sort, probablement l'image que laisseront les années 2010 aux générations future), la mode est en train de changer peu à peu. Ce qui fait de ce film un objet beaucoup plus kitsch qu'il n'était supposé l'être. Un sale manque de pot, mais il fallait bien que les pis de la vache multicolore se tarissent un jour.
Le film a aussi un problème dans l'étrange relation qu'il entretient avec son prédécesseur. Vous vous rappelez de Wonder Woman, premier du nom ? Ce film pas foufou, mais correct ? Sa suite semble à la fois surestimer son impact, et vouloir s'affranchir de son atmosphère. D'un côté, le personnage de Wonder Woman est traité de façon complètement différente, la narration est beaucoup plus éclatée que l'aventure "typique" du premier volet, et on essaie pas vraiment d'en faire une continuation des thèmes ou quoi que ce soit. D'un autre côté, ils veulent aussi refaire la même recette qui marche, ce qui fait qu'on nous ressort Chris Pine/Steve Trevor du chapeau. Vous vous rappelez de lui ? Le bellâtre sans saveur, l'équivalent masculin de l'inévitable copine du héros ? Le personnage mort dans le 1 ? Et bien il est là, et il ne sert vraiment qu'à rendre Diana très antipathique. Il se réincarne dans le corps d'un innocent type qui n'a rien demandé, et les ramifications morales de cette possession démoniaque semblent passer au dessus de tous les personnages et du scénariste. Savoir que Wonder Woman a passé 66 ans à se faire une fixette exclusive sur ce gars au point de n'avoir apparemment pas vécu pendant tout ce temps n'est, de la même façon, pas le meilleur trait de caractère qu'on pouvait donner au personnage.


Mais ces deux points précédents sont, au fond, assez subjectifs. Ce qui ne l'est pas, c'est ce montage complètement à l'ouest. J'ai pas fait d'école de ciné, ni rien, mais ça saute aux yeux tout de suite que le script n'a eu aucune révision d'aucune sorte et que le résultat a été tourné tel quel. Quelques exemples, du plus bénin au plus notable :
-Durant une scène de braquage, la caméra se pose deux fois sur une petite fille et sa mère, qui la protège de ses bras. Elles sont isolées des criminels. Troisième plan, la petite fille est impressionnée par l'apparition de Wonder Woman. Okay, c'est évident, ces personnages vont avoir un impact quelconque dans la scène, ne serait ce qu'en tant que choeur grec pour la réaction du public. Quelques instants plus tard, la gamine se dresse, seule, à deux pas de l'action, et va illustrer la complicité de l'héroïne pour le commun peuple et les innocents. Sa mère n'apparait plus jamais. Apparemment, elle s'est désintéressée de la prise d'otage en cours et a laissé sa fille marcher jusqu'aux hommes armés sans tenter de la récupérer.
-Diana suspecte quelque chose de louche à propos de Maxwell Lord et de son intérêt pour une pierre maudite en toc. Elle se met donc en robe de soirée, et fonce à la réception où elle pense trouver l'homme d'affaire. Il n'y est pas. A la place, elle y trouve Steve Trevor et sa pauvre marionnette de chair, qui n'a rien à voir avec la situation en cours, laquelle sera de toutes façons oubliée pour la demi heure suivante. Pourquoi le film a-t-il fait Diana se déplacer à cette soirée narrativement inutile et artistiquement sans intérêt ? Chais pas. Je suppose que c'est un morceau de script qui a été imparfaitement rectifié par les scénariste, en gardant la mise en place, mais sans le résultat.
-Diana rencontre Barbara, une femme récemment employée dans le musée où elle travaille. Elle l'aide à ramasser ses affaires, papote un peu avec elle, puis lui dit au revoir. Dans la scène suivante, elle retrouve Barbara, qu'elle vient tout juste de quitter, pour voir sur quoi elle travaille. Elle l'invite à dîner. Dans la scène suivante, sans déconner, elle sont en train de dîner, et ont apparemment eu une discussion hors-champ. Dans la scène suivante, putain, Barbara rentre chez elle, se fait agressée dans la rue, et est sauvée par Diana, la personne qu'elle vient de laisser, qui passait par là. Voilà l'ensemble des relations "normales" entretenues par Wonder Woman et Cheetah pendant tout le film. C'est complètement amateur. Si ces personnages sont supposés avoir une relation qui nous importe, la pire des choses à faire est de nous la montrer d'une traite, en 10 minutes. Cette série d'entretiens ininterrompus cassent complètement toute illusion qu'on pourrait se faire sur la profondeur du lien de ces deux personnages. La technique traditionnelle est d'entrecouper ces scènes en se focalisant sur d'autres individus, lieux ou actions. De cette façon, notre inconscient remplit ces trous et nous dit, irrationnellement : "quand on ne les a pas eu sous les yeux, Diana et Barbara ont vu leurs amitié se développer et devenir plus intime". Sinon, les dix minutes dédiée à ce duo nous font penser qu'elles ne se connaissent vraiment que depuis dix minutes. C'est un truc si basique que la moitié des disney l'utilisent, mais c'est apparemment hors de portée de Wonder Woman 1984.
Et tout le film est comme ça ! Tout du long, les personnages vont d'un endroit à un autre sans raison, des points de scénario sont introduits en sortant de nulle part, des trucs complètement dingues sont acceptés sans questionnement. C'est d'autant plus étonnant vu la durée du bidule, qui devrait en toute logique laisser amplement la place pour poser des bases solides et établir les motivations de tout un chacun. A la place, le film a l'air de passer son temps à courir après lui-même, comme si les scénaristes avaient écrit la scène A et C et que le réalisateur avait dû improviser la scène B. On ne s'ennuie pas, mais pas forcément pour les bonnes raisons.


Et ça m'attriste un peu. Parce qu'en tant que fan irréductible de l'univers DC, je voulais bien l'aimer, moi, ce film. Parce que Kirsten Wiig a l'air de prendre son pied dans sa parodie de Selina Kyle burtonnienne. Parce que Pedro Pascal semble s'amuser comme un petit fou dans sa parodie de Trump saveur businessman véreux. Parce que la scène de l'affrontement final entre Diana et Maxwell Lord est franchement pas mal pensée, et est assez touchante. Parce que même si c'est daté, je préfère DC avec trop de couleurs que quand ils essayent d'être monochrome pour montrer à quel point ils sont sérieux.
Mais bon, ça n'excuse pas la CGI hideuse, une trame décousue, une actrice principale qui fait effort de présence une scène sur trois, et (impardonnable à mes yeux) qu'ils n'aient pas ouvert ne serait-ce qu'un seul livre d'histoire pour leurs conneries. Je suis prêt à pardonner beaucoup à DC. Mais il faut m'aider un peu. Et ça, c'est un travail pour Superman !

Kevan
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le 31 déc. 2020

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