A nos corps dépendants
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Ton nom, nous le connaissons très bien. À vrai dire, nous en comprenons le sens même, nous le redoutons aussi. Frustration, le voilà ton fameux patronyme. Mais si insatisfaction il y a, elle n’est en rien rédhibitoire, ce serait faire offense à ta générosité et, en un sens, ton brio : car tel pourrait être résumé Your Name., lui qui convie excellence et trop-plein balourd en un même visionnage.
Assurément, celui-ci ne s’est pas hissé à la quatrième place du box-office japonais (all time, bien sûr) sans raison : sa popularité, tangible à souhait, n’est rien de moins que la résultante de formidables atouts comme atours que Makoto Shinkai, à l’instar de Mamoru Hosoda, aura cultivé au fil d’une carrière ascendante. Nous sautant ainsi littéralement aux yeux, il convient d’aborder derechef sa plastique, encore que ce terme soit un brin réducteur : de fait, personne ne pouvait s’y dérober, Your Name. tenant de la claque rétinienne monumentale, faisant mine de repousser les limites de l’animation dans un ballet irréprochable de fluide magnificence.
S’il n’est in fine pas aussi « poétypique » que son homologue Ame & Yuki, le long-métrage est tout autant propice à l’immersion envieuse, le Japon urbain comme (et surtout) rural y étant dépeint dans une riche fresque tissée sans accrocs. Davantage survolé, le fourmillement tokyoïte attire, tandis que l’isolé et lacruste Itomoto fascine (la part belle, indéniablement) : les deux faces d’un même archipel, dont les traditions ancestrales perdurent dans l’ombre de sa capitale-vitrine, phare idolâtré de Mitsuha et ses camarades.
La dualité, sensée comme commode, perdure ainsi à travers cette dernière et Taki, ses réceptacles : pour autant, là n’est pas vraiment le propos de Your Name., celui-ci s’érigeant d’abord en romance fantastique, les lycéens échangeant de corps sporadiquement à l’approche d’une comète. Couplé à cette patte graphique hors-norme, ce postulat de départ suspendu à un cadre ordinaire et des circonstances surnaturelles éveille bien plus encore que notre curiosité : il passionne et émerveille, nous renvoie aux émois d’adolescence et y adjoint une aura de mystère l’embellissant à n’en plus finir.
Toutefois, curieusement, cette entrée en matière savoureuse va rapidement instiller un léger, mais de fil en aiguille persistant, inconfort : car dans la droite lignée d’un générique résolument « spoilant », Your Name. n’y va pas par quatre chemins. Son récit déroule avec énergie, ci et là, des bribes de quotidiens que nous ne demandions qu’à explorer sous toutes leurs coutures : mais plutôt qu’un développement appliqué de l’intime, le long-métrage va privilégier l’ébauche d’axes connexes nous conduisant au-devant d’un patchwork confus.
Et voici donc venir l’écueil : mysticisme et spiritisme s’invitent dans la danse, des élans de science-fiction se font de plus en plus pressant et, goutte d’eau faisant déborder le vase des perspectives, les temporalités se font multiples, elles s’entremêlent et nous égarent. Sa cohérence d’ensemble se voyant également mise à mal, Your Name. en fait littéralement trop, lui qui aurait diablement fait mouche en choyant davantage la relation de ses protagonistes ô combien attachants. Peut-être que cette façon de presser les choses, en évacuant rapidement les conséquences sociales de ce « switch » captivant, servait avant tout la mise en place de ce schmilblick chronophage…
L’impression de condensé prédomine néanmoins, et nous restons pour de bon sur notre faim : trop de circonvolutions en somme, le prisme fantastique plus compliqué que nécessaire s’avérant encombrant. Par voie de fait, celui-ci a aussi pour tort de diluer la force intimiste et émotionnelle d’un potentiel légitimant notre « Frustration », la rencontre (ou retrouvaille) finale étant à titre d’exemple éloquente : notre intérêt s’est amoindri, le prévisible a pris ses quartiers et il nous vient un paradoxal « Il était temps » en dépit d’une relative courte durée.
Finalement, à l’image de ses envolées musicales nullement cantonnées à ses génériques, Your Name. paye tout bonnement le prix de cette même générosité évoquée plus haut : l’enfer est pavé de bonnes intentions dit-on, et le récent hit de Makoto Shinkai n’échappe pas à la règle du « trop », la perfection étant vraisemblablement à portée d’un « simple » focus.
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Créée
le 7 mai 2020
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