G.I. Jane est certainement l’un des films les plus impersonnels de son auteur, quoique ses thématiques et ses obsessions demeurent, plus en retrait, et ressemble davantage à une œuvre de Tony Scott : musique grandiloquente (ici épouvantable), caméra libre et expérimentale, domaine militaire que l’on retrouve à l’identique dans un Top Gun (1986) ou un Crimson Tide (1995). Le parcours de Jordan O’Neill consiste en une mutilation de l’Ève pècheresse, figure biblique de la faiblesse et de la séduction, qui passe avant toute chose par une violence qu’elle s’inflige physiquement et mentalement : elle soumet son corps aux coups, au froid et à l’usure, elle se rase elle-même les cheveux, partage le dortoir des hommes qu’elle sauve au combat, notamment son chef instructeur lors d’une mission de rapatriement qui dégénère. Sa féminité éprouve la virilité telle qu’elle se définit et se pratique dans l’armée : vantardise, répartie et vulgarités sont de mise et constituent le langage de ce microcosme extrême au sein duquel les individualités sont broyées.


Si l’ouverture et la clausule souffrent de situations proches du ridicule, avec par exemple l’une des pires idées esthétiques vues chez Scott – la manie de zoomer dans l’image à chaque détonation d’arme à feu –, reconnaissons néanmoins l’efficacité de sa réalisation lorsqu’il s’agit de former les recrues, ainsi que la réflexion plutôt fine sur la place de la femme dans l’armée, articulée à ses retombées politiques. Le cinéaste sait peindre des antagonistes détestables dont les motivations demeurent vraisemblables et, en ce sens, disent quelque chose de l’humanité : la sénatrice Lillian DeHaven rappelle que les avancées de la cause des femmes sont aussi dues à des calculs électoraux et carriéristes ; elle est campée par une Anne Bancroft impériale. N’oublions pas enfin de saluer la performance de Demi Moore, métamorphosée pour son rôle, et qui livre ici une démonstration de son talent.

Fêtons_le_cinéma
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Ridley Scott

Créée

le 25 avr. 2021

Critique lue 259 fois

2 j'aime

3 commentaires

Critique lue 259 fois

2
3

D'autres avis sur À armes égales

À armes égales
Ugly
3

A grands coups de rangers dans les burnes

J'ai revu ce film en ayant presque oublié qu'il était aussi mauvais, c'est un film qui se veut féministe mais qui hélas produit l'effet inverse, celui de donner une image grotesque de la femme, ce...

Par

le 9 oct. 2016

7 j'aime

2

À armes égales
Wolvy128
8

Critique de À armes égales par Wolvy128

Je reviens sur un film que je me suis repassé récemment et dont je ne me lasse vraiment pas. Il s'agit de À armes égales, un film de 1998 signé Ridley Scott à qui l'on doit notamment Gladiator, La...

le 23 oct. 2011

5 j'aime

À armes égales
Boubakar
4

Une fille avec sa b... et son couteau.

Les années 1990 étaient une période difficile pour Ridley Scott : seulement quatre films au compteur, et excepté Thelma et Louise, rien de marquant. Comme ce projet-là, initié par Demi Moore, qui est...

le 30 déc. 2017

4 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14