Camé et Léon
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le 6 nov. 2017
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Il est parfois un peu piège de se lancer dans une réalisation qui se veut un hommage plus ou moins appuyé à tout un pan du cinéma, voir à une œuvre en particulier. L’écueil le plus souvent rencontré est que le métrage peine à trouver une identité propre, tout en essayant de se démarquer de son modèle, en usant d’artifices un peu vain. ‘’You Were Never Really Here’’ est de ces films.
Avec sa mise en scène maniérée, qui passe son temps à favoriser l’esthétisme un peu pompeux au détriment de ce qu’il raconte, il s’enfonce dans un écrin qui se veut sublime, et les images le sont par moment (la scène de la rivière est splendide), tout en laissant de côté l’essentiel : raconter une histoire. De plus, s’ajoute la difficulté de lecture, puisque le métrage se réparti entre des séquences oniriques fantasmées par le personnage principal, vétéran de la guerre du Golfe 2, le retour, atteint de PTSD, et la réalité. Mais les deux sont filmées plus ou moins de la même manière. Ce qui rend l’ensemble plutôt brouillon, et tend à perdre le spectateur.
Pourtant classique, et assez peu original, ‘’You Were Never Really Here’’ se présente comme une sorte de knock off du ‘’Taxi Driver’’ de Scorsese, dont toute une scène rend hommage. Ou plagie vulgairement, ce n’est pas très clair. Son arc narratif étant assez similaire, avec un personnage edgy ultra violent, jouant sans cesse avec la mort, comme un ennemi qu’il cherche à dompter. Fracassant des vilains pas beau qui kidnappent des adolescentes pour les convertir, contre leur volonté, à leur interprétation du plus vieux métier du monde. Et voilà. Le film c’est ça. Avec en cadeau bonus une petite intrigue complotiste qui cherche à donner un peu de texture à l’ensemble, mais qui ne reste que de surface.
Logées à la même enseigne que son esthétisme, les scènes de bagarres du film sont maîtrisées et traduisent une véritable violence viscérale, réaliste et âcre (ou âpre), mais apparaissent un peu gratuites et vaines, à l’image de l’ensemble. Et c’est vraiment dommage car Joaquin Phoenix est investi dans son rôle, convaincant, il se donne à fond au point de mettre à nu un corps difforme, témoin d’un passif peu enviable. Tel que le sont ses crises de paranoïa, ou ses activités extrascolaires suicidaires.
Réellement impressionnant, Joaquin Phoenix n’est pourtant jamais utilisé à sa juste valeur, et tout le matériau indomptable qu’il offre à la réalisatrice semble la dépasser. Encore une fois, à l’instar de son esthétisme, elle apparaît larguée par le potentiel grandiloquent qu’elle cherche à donner à son œuvre.
Pas vraiment mauvais, ni spécialement bon, ‘’You Were Never Really Here’’ est au final un effort un peu vain, mais louable, car sincère. Un peu trop long sur la longueur, perdu dans une stase contemplative ennuyeuse qui a très peu de chose à raconter, il peut ainsi se résumer à l’errance d’une âme en peine, dans une ville pas vraiment aliénante. Face à une société dont il nous est contée très peu de chose. À l’exception d’une sombre histoire de corruption crachée par quelques écrans de télévisions ici et là, il n’y a que très peu de surprise.
Lorsque le générique de fin commence, il y a comme un petit goût de trop peu (oui, malgré sa longueur, et bien qu’il dure moins d’1h30), comme si le récit n’avait jamais réellement démarré, ni prit la peine de nous en dire plus sur son personnage principal, sa vie passée, ses motivations, ses envies, et les raisons pour lesquelles il est si violent, et incorruptible. Son traumatisme de la guerre ne justifiant pas tout. Mais l’écriture du personnage ne se repose que là-dessus, malheureusement.
Tel un acte manqué, ce quatrième film de Lynne Ramsay demeure néanmoins une proposition de cinéma. Même ratée, elle permet de sortir un peu des carcans habituels d’une production hollywoodienne bien moribonde. Avec un personnage principal aux frontières de la moralité, habité par un Joaquin Phoenix qui depuis bientôt dix ans (Et le merveilleux, inqualifiable, splendide, majestueuse supercherie digne de génie, que fût ‘’I’m Still Here’’ en 2010) fait des choix de carrière qui l’entraine dans la peau de personnages aux pathologies marquées. Expérimentant un jeu flirtant sans arrêt avec les affres de la folie.
Mais passé ces quelques qualités, dont une honnêteté non feinte, soucieuse d’offrir au spectateur un spectacle perturbant, ‘’You Were Really Never Here’’ ne parvient jamais à se démarquer totalement de ses prédécesseurs. Mais provoque une envie de retourner faire un tour dans les années 1970, redécouvrir, ou découvrir, les modèles cités par un métrage bien trop sage, et bien trop propre sur lui pour marquer durablement les rétines et les esprits. Plouf.
-Stork._
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Créée
le 4 mars 2020
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