"The Parallax View", réalisé par Alan J. Pakula en 1974, est un chef-d'œuvre du thriller politique qui s'inscrit dans la lignée des films d'espionnage des années 70, tout en se démarquant par son approche psychologique et son atmosphère troublante. Ce film, à la croisée des chemins entre le cinéma d'auteur et le divertissement populaire, nous plonge dans un monde où la vérité est une illusion, et où la paranoïa s'installe comme un personnage à part entière.
Le film suit le journaliste Joe Frady, interprété par Warren Beatty, qui se retrouve embarqué dans une enquête sur l'assassinat d'un candidat à la présidence. Ce qui commence comme une quête de vérité se transforme rapidement en un labyrinthe de manipulation et de désinformation. À cet égard, "The Parallax View" rappelle "Chinatown" de Roman Polanski, où la recherche de la vérité est entravée par des forces obscures et des intérêts cachés. Les deux films partagent une atmosphère de désespoir et une critique acerbe de la société américaine.
Pakula, à travers son film, nous interroge sur la nature même du pouvoir et de la manipulation. La fameuse scène de l'audition au sein de l'organisation Parallax, où des images subliminales sont projetées, évoque les techniques de manipulation psychologique que l'on retrouve dans "A Clockwork Orange" de Stanley Kubrick. Cette utilisation de l'image comme instrument de contrôle est une réflexion sur la société moderne, où l'information est à la fois un outil et une arme.
Visuellement, "The Parallax View" est une œuvre d'art. La direction de la photographie de Gordon Willis, souvent surnommé le "Prince des Ténèbres", crée une ambiance oppressante qui accentue le sentiment de paranoïa. Les jeux d'ombre et de lumière rappellent les compositions de "The Conversation" de Francis Ford Coppola, où l'intimité et l'angoisse se mêlent. Les plans larges et les angles de caméra inhabituels renforcent l'idée que le monde est un endroit dangereux et imprévisible.
Warren Beatty, dans le rôle de Joe Frady, incarne un protagoniste désillusionné, un anti-héros qui lutte contre des forces invisibles. Sa performance rappelle celle de Gene Hackman dans le même "The Conversation", où le personnage principal est également un homme traqué par ses propres découvertes. Beatty réussit à transmettre une vulnérabilité qui rend son personnage d'autant plus attachant, tout en soulignant l'absurdité de sa quête.
"The Parallax View" résonne avec une actualité troublante. À une époque où la désinformation et les théories du complot sont omniprésentes, le film de Pakula semble prophétique. Il nous rappelle que la vérité est souvent manipulée par ceux qui détiennent le pouvoir, un thème que l'on retrouve également dans "All the President's Men", également réalisé par Pakula, où le journalisme d'investigation se heurte à des vérités dérangeantes.
En somme, "The Parallax View" est bien plus qu'un simple thriller. C'est une exploration des méandres de la vérité et de la manipulation, une œuvre qui interroge notre rapport à l'information et à la réalité. À travers une esthétique soignée et une narration captivante, Pakula nous offre un miroir déformant de notre société, où la paranoïa et la méfiance sont devenues des réflexes naturels. Ce film, à l'instar des plus grands classiques du genre, mérite d'être redécouvert et analysé à la lumière des événements contemporains. Une véritable leçon de cinéma qui, comme un bon vin, ne fait que s'améliorer avec le temps.
A noter qu'il sort (enfin en Bluray chez Carlotta le 17 juin 2025 dans un coffret avec un livre de Jean-Baptiste Thoret.