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De Alan J. Pakula, je ne connaissais que All the President's Men, formidable film d’enquête qui met en lumière le travail des journalistes du Washington Post sur le scandale du Watergate. J’étais donc plus qu’excité à l’idée de me plonger dans The Parallax View, autre volet de la trilogie paranoïaque du réalisateur. Car il faut bien comprendre qu’à l’aune des années 70, la paranoïa est réelle, et le complot transpire de partout.
Nous sommes au lendemain des grands assassinats qui ont bouleversé les années soixante, et Pakula se doit de les citer dans son histoire d’organisation embauchée pour des assasinats politique: de JFK et sa motorcade, en passant par Luther King, Malcolm X ou Robert Kennedy et l’enquêtrice retrouvée morte d’une overdose suspecte. Ce sont les incongruités des versions officielles de l’Etat, en faisant les actes d’un seul homme à chaque fois, qui sont ici remis en cause. Ce sont les conclusions de la commission Warren (que l’on sait désormais complètement fausses) que l’on remet en doute.
Le cinéaste nous livre alors une œuvre désespérée qui n’a pas l’optimisme ni le côté satisfaisant du competence porn de All the President’s Men (cf l’essai de Patrick Willems sur le sujet). Le constat est ici sans appel, nous sommes à la merci des puissants et il n’y a rien que l’on puisse y faire. Le complot n’existe pas s’il est bien ficelé. Mieux encore, la partie perceptible de la cabale n’est qu’un appât pour un méta complot en recherche de boucs émissaires. Warren Beatty n’est in fine qu’un pion entrant volontairement dans les filets d’une araignée qui ne laisse rien au hasard.
The Parallax View s’inscrit donc dans la lignée des Marathon Man et autres Three Days of the Condor. Et si la majorité du métrage ne brille pas son originalité, il ressort largement du lot par trois séquences clés : celles des assassinats, et celle du montage subliminal qui efface les barrières mentales, brouille les pointeurs moraux et reconstruit l’idée patriotique sur des valeurs haineuses. Le lavage de cerveau façon CNews, Fox News et autres charmantes entités à la main de quelques milliardaires en collusion avec les organes étatiques, lorsqu’ils n’en sont pas directement les régents.
Mais le plus dérangeant dans tout cela, c’est le caractère prophétique du film, et de sa vision des conspirations, où les services d’intelligences passent par des cabinets extérieurs (comme celui pour lequel bossait Snowden), où l’administration ne se charge plus de la surveillance et se procure la data des citoyens par l’intermédiaires des géants de la Silicon Valley.
Des intermédiaires d’intermédiaires qui diluent la responsabilité de nos élus, et favorisent leur corruption car les rendant ainsi intouchables. Les services d’enquêtes ne peuvent plus suivre, trop compartimentalisés qu’ils sont et ne coopérant que rarement, et on se retrouve ainsi avec des affaires qui touchent à tous les domaines de la criminalité et donnent un sentiment d’impunité total aux bénéficiaires finaux (cf. les travaux de Fabrice Arfi sur D’Argent et de Sang ou sur Personne n’y comprend rien).
Il y a de quoi devenir parano, en effet…