Le fait que le film prenne appui sur un des univers qui compose chaque parc d'attractions Disney ne doit pas aveugler le spectateur. Non. Il ne s'agit pas pour Brad Bird de vendre son âme sur l'autel du démon-souris à grandes oreilles décrit par certains esprits chagrins comme le parangon de la sous-culture américaine (pléonasme ?).


Car le réalisateur surdoué saisit l'occasion du matériau qui lui est offert ici pour l'investir puis pour y inoculer un drôle de feeling. Car même si de grand spectacle il est question, une atmosphère de désenchantement règne et l'avenir présente un goût de cendres. Quant au rêve, il est purement est simplement banni, comme en témoigne le démantèlement du site de lancement de la NASA où travaillait le père de l'héroïne, écho étrange de la thématique du film.


Pourtant, les premières minutes de A la Poursuite de Demain plonge le spectateur dans un futur idéalisé et baigné de lumière, tel qu'on pouvait l'envisager de manière enfantine, béate et naïve dans les années 50 ou 60. Le réalisateur s'autorise des envolées steampunk réjouissantes avec ce gamin, tout droit issu du Steamboy d'Otomo, et son jetpack Electrolux artisanal, afin d'emporter son public de manière immédiate, dans des cabrioles aériennes pour le moins réjouissantes. Brad Bird en profite pour renouer avec un sentiment d'émerveillement, qui pourra paraître un peu naïf, mais qui touche au coeur et à l'imaginaire collectif avec une grâce pour le moins touchante.


Mais alors que l'héroïne quitte le monde merveilleux de carte postale qu'elle a visité sidérée et émerveillée, l'intrigue l'entraîne dans une course poursuite désespérée à la poursuite d'un avenir où les lendemains chanteront forcément faux. Cependant, Brad aborde son action via une mise en scène toujours ludique et fantastique qui convoque les grandes heures et les grandes figures de la Science Fiction, jusqu'à ressusciter certaines images typiques qui irriguent les écrits de Jules Verne, redonnant peu à peu des couleurs permettant d'envisager un futur moins désenchanté.


C'est en cela que réside le coeur du propos de Brad Bird. Il l'exprime avec la petite histoire que rappelle l'héroïne à son père, celle de l'affrontement entre un loup craintif et un loup sûr de lui. Elle explique que l'animal qui gagne est celui que l'on nourrit. Que l'atmosphère anxiogène, cynique et inquiète dans laquelle nous baignons aujourd'hui ne peut que faire prospérer nos maux qui donneront naissance à un noir futur. Brad Bird, nanti d'un trio d'acteurs attachant et charmant, dit que l'espoir ne doit pas être entravé et que l'optimisme ne doit jamais s'éteindre. Qu'il faut avoir la force de concrétiser ses rêves et de ne jamais s'avouer vaincu. Que c'est à ce prix que l'on pourra échapper au déterminisme et à l'inéluctable d'une situation qui empire et aboutit à une impasse.


Les acteurs sont au diapason : Britt Robertson explose et George Clooney sort enfin de sa torpeur pépère mais sans doute rémunératrice de VRP Tassimo, incarnant le rêve et la volonté éteinte par la souffrance du coeur et de l'innocence écornée et perdue. Raffey Cassidy, quant à elle, est sans doute la plus émouvante de la troupe dans un rôle à première vue ambivalent, mais ô combien porteur des tenants et aboutissants d'un scénario classique, mais aussi alerte, trépidant et émouvant.


Le message final exhorte à la créativité, au rêve, au développement et à l'expression du talent. Que toutes ces initiatives individuelles seront à même de faire changer les choses. En ce sens, A la Poursuite de Demain pourra s'envisager comme un remède miracle à la morosité ambiante. N'en déplaise aux habituels sinistres du site, dégainant leur prose bégayante à coup de bien pensance amerloque ou d'ineptie, de fadeur anonyme et d'entrelacs scénaristiques difficiles à suivre pour le jeune public... Alors qu'on reproche justement à la souris bien vilaine de tirer vers le bas le niveau du spectacle qu'elle propose...


Mais laissons ces cyniques crier au simplet et hurler avec les loups. Ecoutons plutôt l'invitation de Brad Bird à devenir des rêveurs optimistes. A la vue de ce film malin constamment à contretemps des attentes de son spectateur, j'ai envie de répondre à l'appel et d'y croire. Sans réserve.


Behind_the_Mask, danse avec les loups.

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le 23 mai 2015

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