A Man
6.5
A Man

Film de Kei Ishikawa (2022)

Enquête, identité, en quête d'identité

Une jeune femme Rie est frappée de plusieurs malheurs consécutifs.

Lorsque l'on fait sa connaissance, d'emblée elle nous déchire le coeur. On découvrira plus tard la raison de son inconsolable chagrin. En larmes silencieuses dans sa papeterie dont elle arrange inutilement l'assemblage des stylos par couleurs, elle est surprise par l'arrivée d'une cliente exubérante et intrusive puis d'un client particulièrement timide. Il s'agit de Daisuke. Régulièrement, Daisuke entre dans la boutique et achète des articles dont il n'a pas forcément besoin. Rie ose lui dire un jour qu'il peut venir la voir sans acheter quoi que ce soit. La grande audace de Daisuke : montrer ses dessins, ses beaux, simples et merveilleux dessins aux couleurs tendres à Rie. Confidence ultime, confiance et abandon. C'est le début d'une belle histoire d'amour. Daisuke épouse Rie. Il adopte le fils qu'elle a eu d'un précédent mariage et ils font un enfant ensemble.

Avant cela on aura aperçu un homme brun de dos devant un tableau qui représente un homme devant un miroir qui ne reflète pas son image... (note pour moi-même : ne pas oublier d'aller visiter le Musée Magritte à Bruxelles).

Le film est aussi envoûtant et énigmatique que le tableau.

L'homme de dos est Akira Kido, un avocat. A la mort accidentelle de Daisuke, Rie l'engage pour qu'il enquête non pas sur les causes de sa mort mais sur les raisons qui l'ont poussé à usurper une identité pendant des années. La mission de l'avocat : partir à la recherche de la véritable identité du mari de Rie mais aussi à la recherche du véritable Daisuke disparu. Accrochez-vous aux parois du labyrinthe pour essayer d'en sortir et de décrypter ce thriller en quête d'identités.

Vous l'aurez compris, avec ce film mon top 2024 risque une nouvelle fois de compter le Japon parmi mes préférences. D'une élégance folle, d'une complexité évidente, ce film captivant m'a embarquée dès les premières images. Mensonges, usurpation et quête d'identité, l'histoire des uns et des autres s'imbriquent inexorablement, révélant peu à peu les raisons de ces identités incertaines ou mouvantes. On ne sait d'ailleurs pas vraiment de quel homme véritablement parle le titre tant certains d'entre eux ont une histoire instable. Tout comme cet enfant qui portait le nom de son père, a pris celui de l'homme qui l'adopte pour apprendre qu'il ne peut plus le porter et devra prendre celui de sa mère. La scène est magnifique, terrible, émouvante et résonne terriblement. Les hommes s'interrogent-ils un seul instant lorsque la femme qui se marie doit changer de nom (aparté : malgré quelques mariages lol j'ai toujours porté mon seul et unique nom de famille, celui que j'ai reçu à la naissance) ce qui n'est en aucun cas une obligation mais une simple pratique.

Cette scène où l'enfant se demande comment il s'appelle est parmi une des plus émouvantes du film qui en comporte beaucoup. Et comme toujours dans les films japonais, les enfants acteurs, même les plus petits sont impeccables.

L'autre scène particulièrement déchirante est celle où Rie révèle à Daisuke les raisons de son terrible chagrin. Et plus encore que cette révélation, le pouvoir consolatoire de Diasuke à ce moment mériterait presque un arrêt sur image.

Puis aux drames et à la difficulté de faire son deuil d'un homme qui a partagé votre vie sans que l'on sache rien de lui succède l'enquête où la tension et le mystère vous embrouillent la tête. Les masques vont-ils tomber peu à peu ?

Et au milieu du mélo familial, du thriller, de l'enquête, sans oublier la romance du début, le réalisateur place une réalité sociale (que je ne connaissais absolument pas) : le racisme, la xénophobie d'une partie du peuple japonais qui s'exprime lors d'une manifestation anti étrangers que l'on découvre à la télévision. L'avocat d'origine coréenne en subit les retombées dans une situation étrange et malaisante pour lui.

Rien n'est simple ici, ni les personnages ni les évènements et j'envisage une deuxième vision du film pour m'assurer de certaines choses (pourvu qu'il reste à l'affiche). Adaptation du roman éponyme de Keiichiro Hirano, le film a remporté huit récompenses amplement méritées aux Japan Academy Prize 2023 (l'équivalent des Oscar) dont celles du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et du meilleur acteur pour l'excellent, le (presque) imperturbable et magnifique Satoshi Tsumabuki (The housewife, La famille Asada) et des meilleurs seconds rôles masculin et féminin pour la désormais incontournable Sakura Andô (Godzilla minus one, L'innocence, Une affaire de famille, Shokuzai).

Créée

le 11 févr. 2024

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