Elham, Elnaz, Elmira... non. Elle se fait simplement appeler Elly. On ne connait ni son nom ni son prénom, rien qu'un diminutif engendrant un quasi anonymat. Elle traverse la première partie du film en tant que bête curieuse, sujette aux messes basses, comme la nouvelle de la classe. Une classe moyenne (emplie de gaité) qui accueille cette ombre timide en même temps que les aléas des vacances. Ahmad revenu récemment d'Allemagne se laisse aller, au rythme du week-end et sous la pression jovial du groupe, à rêver un avenir commun avec Elly, invitée officieusement pour l'occasion.

La scène peut paraître familière, et propice à une énième comédie estivale, si cette ambiance ne se rompait pas avec la disparition prématurée d'Elly. C'est l'un des points forts du scénario, qui multiplie les revirements dans la maison de location sur la plage, lieu de joies puis de tensions. Étrangement la mer n'apporte aucun souffle, elle confine le groupe dans un huit-clos. On sombre brutalement dans le drame sur fond de thriller social. Lorsqu'elle disparaît, Elly laisse alors une mer de possibilités, une vaste étendue de « et si ? », et c'est à travers leur quête de l'identité d'Elly que les personnages se révèlent et se confrontent à leurs conditions, entre « modernité et tradition » comme le rappelle Asgard Farhadi. Le rapport homme/femme est ici largement mis en avant (il y a trois couples), les hommes peuvent parfois se montrer aussi tumultueux que la mer, mais les femmes ont du répondant.

L'autre personnage centrale, Sepideh, fonctionne comme un agent provocateur au sein du groupe, tour à tour entremetteuse et bouc émissaire. Elle s'avèrera être la force et aussi la faiblesse du groupe, source de dissension. Reste, la rythmique des vagues, régulière et inéluctable, qui bat la mesure. Peu à peu, lestée par les mensonges et les non-dits, Sepideh se laisse submergée. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Nés en même temps que la révolution islamique, ces trentenaires vont par trois fois voter pour le bien du groupe, on laisse nos préjugés occidentaux de côté un instant, pour découvrir un héritage culturel plutôt que les clichés véhiculés par la politique de ses dernières années. Et s'il dirige parfaitement ses comédiens, fort de sont expérience théâtrale, Asgard Farhadi laisse une totale liberté au spectateur, multipliant les points de vue, ainsi l'on constate, on s'allie, on renie, on doute. Et si Elly est coupable? Et si Elly est victime? La réponse ne leur appartient pas, pas plus qu'à nous. C'est une peinture de la condition iranienne dans toute sa complexité.
Zède
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le 15 févr. 2013

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