A Walk
A Walk

Documentaire de Jonas Mekas (1990)

[Mouchoir #32]


Contrepoint presque absolu du cinéma de Mekas : la Bolex troquée pour ce second essai en vidéo, des adieux au montage kaléidoscopique, bonjour le plan séquence d'une heure (visuel et sonore ; même si j'ai un doute sur la temporalité de la voix off) et aucune place au silence, au contraire le brouhaha la ville. Tout un tas de raison qui font que je ne retrouve pas ce qui me touche chez Mekas. Mais ce négatif est un révélateur à deux niveaux : quand on compare ce film aux autres, quelles sont les différences certes, mais surtout quelles constantes apparaissent dans la superposition ?


La mise en scène est tellement épurée, prise sur le vif, que l'on se rend mieux compte d'un principe de Mekas tout simple mais qu'on pourrait avoir manqué, et qui ressemble à l'une des règles à l'époque du cinématographe : il n'y a pas de hors champ. Pour que quelque chose ait lieu, il faut que cela soit filmé, montré — Méliès disparaît lorsqu'il passe les bords du cadre et les autres personnages ne le voient plus / Mekas ne peut traverser la rue que si sa caméra-œil a consciencieusement regardé à gauche, à droite et qu'au feu il est écrit WALK, titre du film.


Ce que rappelle ce film, c'est que tout se situe au départ dans le plan chez Mekas, non dans le hors champ. Et que d'habitude la part d'imaginaire du public devant l'un de ses films, faute de se balader dans le hors champ, investit la coupe, la collure entre les plans, malheureusement absente ici (une coupe à 45 minutes toutefois, mais rendue invisible par un mouvement de caméra, indispensable sûrement pour changer la cassette pleine du caméscope). La constante ici, ce sera que même la voix off ne se trouve pas à proprement parler dans un hors champ, mais dans un second temps, celui du montage, mémoriel, qui retravaille le premier temps. Car Mekas enregistre en partie pour ressusciter les images, et parler sur elles des années plus tard, essayant tant bien que mal de les faire resurgir aussi dans son esprit. Double souvenir donc, celui de l'image, celui de la pensée ; images de la pensée, pour mieux penser les images.


[24/01/22]

SPilgrim
2

Créée

le 24 avr. 2022

Critique lue 23 fois

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