sept 2011:

Un drôle de machin que ce film érotique au ton très sérieux. Trop sérieux pour être honnête? J'ai vraiment un mal fou à le saisir : film moraliste, romantique ou satirique? Où veut en venir réellement Sarno?

A priori, comme ça, au débotté, je dirais : à produire des scènes troublantes, avec, c'est indéniable, un soin particulièrement sérieux pour offrir un récit érotique à la fois soutenu et ancré dans le réel. Oui, voilà, c'est sérieux. Ils ont l'ambition de faire du cinéma, même s'il est vendu comme érotique.

Il n'empêche que j'ai comme l'impression que le scénario en dit plus long qu'il n'y parait au premier abord et qu'on nous sert là le portrait corrosif de ce qu'on pourrait d'ores et déjà appeler une Desperate Housewife. Priscilla (Rebecca Brooke) vit très mal le retour d'Abigail Lesley (Jennifer Jordan) au petit village de pêcheurs. Abigail lui avait fait l'affront jadis de coucher avec son mari (Jamie Gillis). Abigail est une femme libérée, vous savez, c'est pas si facile, tout le monde la traite de pute. Mais très vite, on se rend compte que cette agressivité cache surtout l'envie qu'elle suscite. Sa liberté est promesse de plaisir et d'épanouissement. Or, bon nombre d'habitants de ce bled trimballent leur lot d'insatisfactions et de frustrations diverses. L'arrivée d'Abigail signifie peut-être que le temps de l'émancipation a sonné. Alors tout le monde se rejoint chez Abigail pour découvrir les joies du saphisme et de la partouze. Même la coincée Priscilla retrouve le sourire grâce à la langue experte d'Abigail.

Ces retournements de corps et de situations, ces évolutions paradoxales dans le comportement de pratiquement tous les personnages sont évidemment bien loin de ce que pouvaient vivre les américains dans la réalité. C'est là que je me demande si Sarno ne traite pas son sujet avec une espèce d'humour caustique, présentant un conte moraliste idéal où toute la communauté serait capable de se désinhiber de la sorte, de s'ouvrir au monde par le cul. Vœu pieu.

D'autre part, la tante de Priscilla, plus âgée forcément, n'est pas du tout la figure de l'austérité, de la sagesse morale et chrétienne à laquelle on s'attend. Bien au contraire, elle s'avère tout aussi libertaire qu'Abigail et pousse Priscilla à se dévergonder. Il y a de l'absurde dans le scénario, une représentation fantasmée de la plénitude sociale par la plénitude individuelle, un programme socio-politico-morale en quelque sorte.

Dans une photographie plutôt bonne et qui relie habilement la luminosité fraîche de l'océan à la chaleur intime des intérieurs, Sarno alterne le bon et le moins bon quand il s'agit de mener à bien son récit. Par moments, le rythme fait défaut. Les scènes de cul sont entamées avec une lenteur très excitante ; les gestes et les paroles prennent leur temps et laissent monter astucieusement la sève. Mais parfois, elles durent un peu en plan inerte. Le plus ennuyeux, ce sont les scènes intercalées où les personnages sont filmés tout à leurs méditations. Peut-être dix minutes de trop dans ce film? Quelques secondes de moins ici ou là auraient permis de gagner en dynamisme sur un bon nombre de séquences.

Même si par bien des aspects le film reste plutôt insaisissable, je l'ai apprécié. Les acteurs ne sont pas fameux, mais Rebecca Brooke a quelque chose de fascinant dans le regard, un trouble difficile à définir. Dommage que sur certaines scènes, elle en fasse un peu trop.
Alligator
5
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le 19 avr. 2013

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