Un quart d’heure suffit à Charles Matton pour installer une atmosphère à la fois brûlante et étourdissante. Nous sommes en Indre-et-Loire, c’est la saison des vendanges : deux jeunes hommes se disputent les faveurs de la jeune Jeanne dont le corps – que la caméra du réalisateur prend le soin d’érotiser avec grâce – suscite jalousie et fantasmes. Elle trouve son incarnation dans la grappe de raison, résurgence dionysiaque du fruit défendu que le chat puis le chien convoitent, tentent d’attraper, sans succès. Nous retrouvons ici la thématique que Matton développera par la suite dans Spermula : le femme n’a pas besoin de l’homme pour s’épanouir, tire satisfaction de la rivalité des amants. Le dernier plan nous la présente buvant du vin dans une coupe, ce même vin que les raisins récoltés plus tôt ont permis de produire. La métaphore est très lisible : Jeanne boit à son triomphe, s’enivre de son plaisir solitaire et épanoui par ses seuls soins. La composition chromatique des plans brosse un paysage aux allures bucoliques qui s’oppose aussitôt à la pénombre dans laquelle la famille prend son déjeuner. Par une succession de natures mortes subtilement mises en scène que vient bouleverser Jeanne – son arrivée dans la cuisine laisse les convives bouche bée –, Matton affirme la volatilité et la liberté fondamentale de la femme face à des personnages masculins enfermés dans leur orgueil. En quelques minutes est dont né un grand film. Il faut (re)découvrir Activités vinicoles dans le Vouvray.