La concurrence en films d'exploration spatiale ces dernières années est rude. Pas moins de 10 films sur le sujet en l'espace de deux ans, contre le même nombre sur les dix années précédentes. À se demander ce qui incite cette recrudescence de popularité. Ce n'est pas pour me déplaire tant j'adore le genre, mais plus il y a de quantité, plus il faut effectuer un travail de qualité pour briller.


Et, telle une étoile, Ad Astra s'élève et donne un nouveau souffle de vie au genre. James Gray nous offre une représentation spatiale emplie de poésie et de terreur. C'est dans une ambiance générale mélancolique, et introspective, que ce déroule le récit, porté par un rythme lent et délicat comme ont su le faire en leur temps Tarkovski et Kubrick. Plus qu'une aventure spatiale, Ad Astra est surtout une œuvre humaine, un voyage introspectif envers un bonheur répudié, une quête d'assouvissement des obsessions perpétuelles.


Évidemment, rien de très novateur à première vue. On pourrait même lister des thématiques à la 2001, une ambiance à la Sunshine, le réalisme sidérant de Gravity, l'obstination humaine de First Man, le désarroi de Solaris, l'émerveillement de l'anime Planetes, pour donner une idée du film. Toutefois, la force de James Gray est de véritablement s'approprier ces influences, et les ancrer dans son récit en leur donnant une vraie résonance. Même pour les scènes que l'on croyait connaître, il apporte son identité visuelle et artistique et les présente d'une façon nouvelle. Ainsi, les scènes "d'action" apparaissent également comme gracieuses, pour ne pas briser cette mise en scène virtuose et contemplative, et s'imbriquent en des plans visuellement marquants.


Il y a une minutie du détail absolue, dans une volonté de réalisme de la psyché humaine, avant tout. Sans faire d'emphase mélodramatique, Gray laisse son œuvre suivre son propre schéma narratif, se parer de séquences métaphoriques, et emporter les spectateur dans son ambiance qui croît crescendo. Le design sonore est particulièrement soigné, et concède à rendre cette épopée nébuleuse, avec la patte musicale de Richter, toute en trémolos subtils et expérimentations dronesques. Dans un film où le dialogue est minimaliste, la narration off de Pitt offre une profondeur au personnage et à l’œuvre toute entière, à la façon d'un Rorschach.


Ainsi, comme les réalisateurs étalon du genre, James Gray ne propose pas tant un film académique mais plutôt une expérience visuelle et sonore, un long-métrage à vivre en essayant de s'y connecter sensoriellement et émotionnellement. Le personnage de Pitt encapsule des tourments universels, et à travers la direction brillante de Gray, propose une œuvre cathartique et, tout simplement, belle.

AntoineRA
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le 25 sept. 2019

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AntoineRA

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