Qu'est-on en droit d'espérer d'un projet de cinéma comme celui-là ? Le pitch très programmatique qui rappelle désagréablement l'atroce Boyhood n'est pas démenti par ma première impression une fois le film entamé : chronologie banalement linéaire rythmée par les années scolaires et les événements "essentiels" qui sont autant de scènes où nous est signifiée la réflexion politique (sans grand intérêt) de l'auteur sur l'époque, omniprésence d'une musique envahissante qui fait contresens total par rapport à la démarche du film et qui m'a gâché bien des moments d'émotion, bref encore un tentative ambitieuse gâchée par l'absence de radicalité dans les partis-pris esthétiques.
MAIS MAIS MAIS le miracle se produit à l'intérieur de ce dispositif un poil convenu, c'est l'irruption furieuse de la vie, l'éternel retour du réel, en grande partie grâce à ces formidables gamines qui crèvent vraiment l'écran. Pour peu que le cinéaste nous laisse un peu la regarder sans nous déranger (et il faut admettre qu'il a souvent l'honnêteté de le faire), on voit vraiment la vie se dérouler, ces deux personnalités opposées se dessiner au fur et à mesure et ces destins s'écrire au fil des années. Le film distille une douce ironie un brin nostalgique sur nos vies d'adolescents (comment oublier une relation avec Dimitri ? perso je pourrais pas), et se risque même (malgré lui) à une profonde documentation des différences de classes à travers les deux héroïnes et du rôle profondément inégalitaire du système scolaire, dont on voit avec émotion la logique séparer petit à petit les deux amies.
Et voilà comment je me retrouve à me demander pourquoi j'ai si peu regardé de docus pendant tout ce temps ? Et pourquoi même se faire chier à faire des fictions en engageant des acteurs professionnels quand le réel a tant à offrir ? Entre les scènes "Kechichiennes" dans les garderies d'enfants, les scènes belles comme du Bruno Dumont d'Anaïs avec ses parents sans oublier l'épique "Sale bourg'!" lancé à la vue du Kennedy low cost fraîchement élu qui vaut bien les meilleures scènes de comédie, on se dit que l'art est vraiment partout dans nos vies, et qu'on n'a jamais rien inventé de mieux qu'une caméra pour le capter.