Un joli road-movie urbain insolite et mélancolique

Adrift in Tokyo part d'un simple prétexte pour devenir finalement une ballade élégiaque à travers Tokyo. Un film sur le temps qui passe avec des scènes qui s'étirent à loisir, et des souvenirs qui surgissent au coin des rues visitées. A la fois amusants et tristes, ces derniers sont revêtus d'une douce note de nostalgie et d'un zeste d'amertume quand le bilan est fait. C'est aussi l'occasion de faire de drôles de rencontres éphémères, en commençant par notre duo atypique et dépareillé qui croise au hasard des personnes déguisées en super-héros, un guitariste itinérant (épique celui-là avec son ampli sur le dos), un vendeur de montres amateur de kung-fu, et autres individus pittoresques et décalés.


A travers ce road-movie urbain est revisité un thème cher aux japonais, à savoir la cellule familiale, à mi-chemin entre Lost in Translation pour la beauté du cadre (avec une mise en scène plus terre à terre, mais non moins brillante dans la façon de saisir les petits instants de la vie quotidienne ou l'atmosphère bucolique à la tombée de la nuit), et L'été de Kikujiro, pour ses personnages marginaux et son chemin improvisé (bien que la destination soit connue). Ce jeune étudiant ruiné et son usurier que ce dernier "prend en otage" en échange d'une somme d'argent, qui a priori n'ont rien en commun, vont se redécouvrir à travers un lien filial de substitution réellement touchant, surtout lorsqu'on sait que ce voyage ne va pas durer. Une famille recomposée qui prend encore plus de valeur lorsque le présent et le passé ne font plus qu'un à partir de flash-backs qui s'accordent petit à petit de façon subtile et presque inattendue, et en faisant une pause plus durable dans un hameau d'accueil, certes basé sur le mensonge, mais non moins sincère et authentique dans les relations.


Dommage que la seconde intrigue parallèle soit moins convaincante, qui est peut-être là pour nous rappeler régulièrement l'échéance de l'aventure, mais aussi pour nous enseigner que nous sommes peu de choses dans une telle société, si bien qu'on ne peut se braquer totalement contre le passé et les connaissances, qui contiennent toujours un peu de joie et de nous-mêmes. Comme c'est joliment dit peu avant la fin, on ne s'aperçoit pas du bonheur qui arrive, au contraire du malheur qui arrive subitement. C'est avec ce sentiment doux-amer que j'ai quitté ce beau petit film qui ne paie pas de mine au début, mais qui a une réelle âme en nous ouvrant progressivement aux relations à demi-cachées entre cette mégalopole et ses habitants.

Arnaud_Mercadie
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le 14 avr. 2017

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Dun

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