After Yang
6.3
After Yang

Film de Kogonada (2021)

Parfois dans d’immenses cités futuristes, parfois dans des mondes désolés et détruits par l’activité humaine, la science-fiction peut avoir de multiples visages au cinéma. Dans After Yang, elle sera plus feutrée, paisible, et aussi triste.


Quand le film se lance, le spectateur cerne rapidement le type de film auquel il va avoir affaire. Décors modernes d’inspiration japonaise, teintes chaudes, sobriété, After Yang développe une esthétique en effet estampillée A24, la société qui produit le film. Un cadre chaleureux troublé par le dysfonctionnement de Yang, androïde domestique faisant notamment office de grand frère et de tuteur à Mika, la fille adoptive de Jake et Kyra. Un problème technique qui nuit également gravement à l’équilibre d’une famille pourtant en harmonie d’apparence, devant notamment compenser avec l’écart culturel entre les parents et leur fille adoptive. Une occasion de retrouver des repères perdus.


Par rapport à son décorum, son étalonnage, ses teintes et sa description d’un futur paraissant relativement proche où les androïdes et intelligences artificielles font partie intégrante du foyer, After Yang fait forcément penser au Her de Spike Jonze. On y retrouve cette même atmosphère feutrée et douce, à la différence que le film de Kogonada parvient à ajouter subtilement un soupçon de malaise, une légère gêne face à cette perfection apparente et à ces relations humaines très aseptisées. Pour mettre en perspective son propos, After Yang joue avec les points de vue, élaborant via le montage et son intrigue des pistes de réflexion sur de nombreux sujets existentiels.


En effet, l’exploration des souvenirs de Yang donne lieu à d’étranges passages où des lignes de dialogue sont répétées, à chaque fois sur un ton différent. Un procédé qui surprend au départ, pour se répéter et être mieux perçu par le spectateur qui comprendra qu’il s’agit de montrer des moments de vie avec des points de vue différents, un procédé que Kogonada a déjà testé à diverses reprises, et avec des émotions différentes. L’objectif étant, notamment, de mettre en relief l’absence de sentiments qui règne de manière générale dans After Yang, les expressions et les intentions tendant souvent au neutre. Et, à travers sa quête, Jake se retrouve exposé à un flot d’émotions, croisant les destins de nombreux inconnus, se connectant avec le monde et le temps, notamment au travers d’un passage intense et émouvant qui crée une vraie explosion, point culminant du film.


Nombreux sont les thèmes qu’After Yang aborde de manière plus ou moins directe : déshumanisation de la société, progrès de la technologie, liens familiaux, appartenance culturelle, attachement à ses origines, sens de la vie, solitude… Aussi simple et linéaire puisse-t-il paraître dans son déroulé, After Yang se révèle être un film d’une grande richesse au final. Une parenthèse à la fois douce et mélancolique, qui nous plonge dans un monde de souvenirs.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 19 janv. 2023

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